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Point Régional : Chine - Japon



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Alain R. Coulon collabore sur notre site à la rédaction et à la mise en forme des pages en chinois et en japonais. Il présente ses appréciations dans les textes ci-dessous après de longs séjours résidentiels en Asie.


"Alain Robert Coulon a séjourné 21 ans en Asie : 2 ans en Chine (un an à Pékin et un an à Nankin) et 19 ans au Japon (deux ans à Nagasaki et 17 ans à Tokyo).
A cela s'ajoutent 5 voyages en Thaïlande, 2 voyages aux Indes et au Népal. Il a traversé trois fois le continent eurasiatique de Pékin à Paris via Moscou (deux fois par le transmongolien -train chinois- et une fois par le transmandchourien -train russe-). Un article sur son dernier voyage est paru dans l'hebdomadaire "Valeurs actuelles"(1) (dernière semaine d'août 2000).

Sommaire des textes d'A.R. Coulon :




Préface à la Philosophie japonaise
des enfers d'Umehara Takeshi



by Alain Robert Coulon (Alain R. Coulon is a writer, philosopher and Asian specialist who has lived more than twenty years in China and Japan). (alainrobertcoulon1@yahoo.com)


PREFACE


Une étroite dentelle d'îles, au profil déchiqueté, s'étirant dans la mer. Des montagnes qui tremblent sans répit, d'où giclent laves et eaux sulfureuses. De très belles journées d'automne, quelquefois écourtées par des typhons. Des étés torrides, humides, épuisants. Des hivers enneigés et glacés. Et dans de rares plaines surpeuplées, l'effervescence contenue de populations soudées par des traditions de comportement grégaire, habituées à une discipline stoïque, que tempère parfois une fantaisie d'autant plus délirante qu'elle doit se renfermer dans des détails. Trois siècles de fermeture presque totale au monde extérieur. Nul espace de fuite ...
Tout prédisposait le Japon à une sorte de huis clos infernal.

C'est dans ce décor géographique et historique très ancien et très spécial que le philosophe contemporain Takeshi Umehara nous invite à un spectacle tout à la fois effrayant et séduisant dans sa première oeuvre marquante, publiée en 1967, une Philosophie japonaise des enfers (Jigoku no shisô).

Né en 1925, auteur de nombreux ouvrages ( une Philosophie du rire, Chants du fin fond des eaux, Le roi du royaume des morts, Contradictions du Beau et de l'Ethique, etc.) qui lui valent une renommée de premier plan dans son pays, Umehara a vu sa jeunesse assombrie par les horreurs de la guerre et les humiliations d'une défaite sans précédent historique pour le Japon. Dans cette atmosphère, il est tout d'abord attiré par la pensée allemande - Schopenhauer, Nietzsche, Heidegger .. . - lors de ses études à l'Université de Kyôto. Mais par la suite, il éprouve le besoin irrésistible de revenir aux origines shintoïstes et bouddhistes de l'ancienne pensée japonaise, quelque peu masquées par une occidentalisation apparente, tant des moeurs et des institutions que des idées, inaugurée par les réformes de l'empereur Meiji en 1868, et infiniment accélérée par le revers quasi apocalyptique de 1945 et durant l'occupation américaine.

C'est ainsi que depuis une vingtaine d'années, Umehara se consacre à une sorte de revalorisation de tout l'héritage de la tradition culturelle la plus classique du Japon, aussi bien dans le domaine philosophique que dans celui des lettres et des arts, archéologie comprise. A partir de positions qui passent incontestablement pour très conservatrices, son ambition avouée est de parvenir à créer une forme nouvelle de pensée qui, tout en plongeant ses racines dans les profondeurs de l'ancien Japon, resterait compatible avec les exigences modernes de la façade économique d'avant-garde du pays. Et dans ce but, il a récemment fondé à Kyôto, la capitale religieuse où il réside et dont il ne s'est que rarement éloigné, un Centre international de recherches japonologiques.

Dans ce document sur l'un des courants intellectuels de première importance du Japon contemporain, Umehara nous invite à un voyage jusqu'au bord des sources les plus noires de l'esprit japonais, en révélant le lien intime qui unit, selon lui, le thème des enfers avec l'ensemble de la culture de son pays. Avec un étonnant mélange d'émotivité, de passion et de clarté, avec une lucidité somme toute luciférienne, il fait voir en pleine lumière comment la philosophie du désir et de la souffrance du bouddhisme indien, franchissant le pont chinois, a fasciné et captivé les esprits au Japon, tantôt sous la forme de l'enseignement de la secte de Shinchô, qui se plaît à regarder en face les passions les plus noires au point de s'en délecter, avant de s'en détacher, tantôt sous l'aspect du paradis de la "Terre pure" de Genshin, ou de l'hymne à la lumière de Shinran, chez qui enfer et paradis en viennent à se fondre l'un en l'autre, dans une sorte d'identification au monde réel.

Puis Umehara s'efforce de montrer que ces diverses catégories d'univers infernal du bouddhisme ont inspiré la plupart des chefs-d'oeuvre littéraire du Japon : l'enfer des passions amoureuses dans le Dit du Genji, l'enfer de la guerre et du désordre social dans le Dit des Heike, la cérémonie démoniaque du théâtre Nô, la rédemption des amants par le suicide en commun chez Chikamatsu, la mise en déroute des démons par la sainteté et la foi chez Miyazawa Kenji, et la bouffonnerie diabolique chez Dazai Osamu.

Il est peut-être significatif qu'Umehara ait esquissé, pour conclure, ce portrait d'un écrivain moderne, Dazai ( 1909-1948), qui, hanté par la haute silhouette de son père, sautant sans cesse d'un extrême à l'autre, de l'extrême gauche à l'extrême droite, de la nostalgie du paradis à la fascination de l'enfer, fut conduit au suicide, dans sa recherche désespérée d'une identité.

Car son vertige symbolise sans doute le vertige du Japon moderne tout entier, écartelé entre l'Orient et l'Occcident, ne pouvant renier ni son propre héritage ancestral ni ses emprunts à des civilisations étrangères, et aspirant à une impossible, ou fort périlleuse synthèse, entre les infinis visages que sa fausse modestie l'a entraîné à échanger tour à tour, comme les masques d'un Nô.

L'un des traits les plus caractéristiques de l'esprit japonais ne consisterait-il pas à se plaire à ces échanges de visage, à savourer ces incessantes variations de formes sur un thème vide, infiniment malléable, insaisissable comme l'eau vive. Apparaître sans visage, c'est peut-être le moyen indirect et paradoxal de conserver une relative gratuité, de s'assurer une apparence de liberté dans un environnement géographique sans douceur.

L'idée bouddhisme de vide englobe d'ailleurs bien évidemment l'idée d'un vide de formes, pas très éloignée, somme toute, du mythe grec, ou égyptien de Protée, le fils de Poséidon - le dieu des vagues et des tremblements de terre -, qui habite dans la mer, connaît le passé, le présent et l'avenir, prend toutes les formes et, à la fois infini et fini, personnifie la matière primordiale, le protoplasme énigmatique de l'univers.

Mais à vouloir se glisser dans toutes les formes, on risque fort de choir dans quelque précipice infernal, le mensonge, la dissimulation, ou tout simplement la faiblesse de l'indécision, ou du manque de caractère. On risque, et en particulier à l'échelle collective d'une nation, de se retrouver un beau jour pétrifié dans une forme, cette fois des plus déterminées, des plus grossières, puisque désirer englober en soi tous les visages revient à ignorer ou refuser le droit à l'existence séparée de tous les autres visages possibles.
Le phasme, cet étrange insecte bien connu, comme le caméléon, pour ses facultés mimétiques, a été fort proprement baptisé "bâton du diable".

Pourtant, le vide bouddhiste, tout comme d'ailleurs ses équivalents approximatifs dans le contexte d'autres cultures, possède, il va sans dire, une envergure qui dépasse de loin ce simple jeu du protéiforme.

La reconnaissance de l'impermanence des choses n'est qu'une première étape, la plus facile : pour ne pas s'arrêter à mi-chemin, il est indispensable de se décharger des diverses expressions de l'ego, de jeter par-dessus bord non seulement l'ego social, ou l'égoïsme tout court, mais aussi l'ego national, qui leur sert très volontiers de refuge.

Par-delà toutes les frontières, commence alors le vrai voyage, quand le problème de l'identité privée, ou géographique, perd son sens, parce que l'ensemble des diversités visibles n'apparaît plus que sur la toile de fond d'une indifférenciation ultime qui est la grande identité véritable, l'unité réelle.

Là, dans le havre de la philosophie, peut-être est-il enfin possible de goûter le repos du tourment des contradictions les plus fortes, entre la musique des discours et le silence, entre les savoirs intellectuels et les compréhensions intuitives, entre les logiques déraisonnables et les déraisons cohérentes.

C'est ainsi qu'à condition de ne pas s'attarder trop, cette escale japonaise, contribuant à sa manière, vaille que vaille, à l'heureuse poursuite de la grande Odyssée des cultures, n'aura sans doute pas été tout à fait infructueuse.

Et tout au moins pourra-t-on apprécier, dans le style de pensée et d'écriture de Takeshi Umehara, qui procède par fines touches, ici délicates, là soudainement violentes, un exemple parfait de l'élégance précise et fragile, d'une virulence contenue - qui constitue à la fois le charme et les limites de la conception japonaise de la beauté - tout comme également, de l'innocence naïve et perverse qui en arrive à émaner de ce jeu délicieux et risqué de confusion entre enfer et paradis.



(Umehara Takeshi : La philosophie japonaise des enfers, traduction de Yuhara Kanoko et Alain Robert Coulon, éditions Méridiens-Klincksieck Paris 1990)


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