logo haut
Here, Web is good for your business
bas
Annuaires Nouveaux produits Marketplace Ressources Actualités
Home
Services



[ Complément

Lire, en français, les résumés des communiqués chinois diffusés sur Waternunc.com : Résumés des communiqués ]

eau & marketplace
Business, affaires internationales | Opportunités d'affaires

Recherche de partenaires | Dossier pays (Algérie, Tunisie, Turquie...) | Opportunités d'affaires




Si vous souhaitez réagir à cette présentation, apporter des informations, donner votre avis, cliquez sur ce lien.
Vos commentaires seront mis en ligne dans cette rubrique ou dans nos forums.

Carte || Liens communs || Liens Japon || Liens Chine


Alain R. Coulon collabore sur notre site à la rédaction et à la mise en forme des pages en chinois et en japonais. Il présente ses appréciations dans les textes ci-dessous après de longs séjours résidentiels en Asie.


En voyage dans le transmogolien...
copyright AR Coulon
"Alain Robert Coulon a séjourné 21 ans en Asie : 2 ans en Chine (un an à Pékin et un an à Nankin) et 19 ans au Japon (deux ans à Nagasaki et 17 ans à Tokyo).

A cela s'ajoutent 5 voyages en Thaïlande, 2 voyages aux Indes et au Népal. Il a traversé trois fois le continent eurasiatique de Pékin à Paris via Moscou (deux fois par le transmongolien -train chinois- et une fois par le transmandchourien -train russe-). Un article sur son dernier voyage est paru dans l'hebdomadaire "Valeurs actuelles"(1) (dernière semaine d'août 2000).

Sommaire des textes d'A.R. Coulon :




Une nouvelle équation d'Einstein cachée dans la dimension extrême-orientale ?

[mise en ligne en mars 2003]


Une longue fréquentation des gens et des choses d'Asie (principalement en Chine et au Japon mais aussi en Thaïlande, aux Indes et au Nepal) et ce, non seulement d'une manière touristique ou livresque mais par une présence des années durant sur le terrain, m'a convaincu que l'espace et les corps, en Extrême-Orient, recèlent une énigme dont la résolution, ou du moins l'étude approfondie, serait d'une grande importance pour l'ensemble des connaissances humaines - de la philosophie, la psychologie, l'histoire ou la politique jusqu'à la biologie et la médecine. C'est un champ d'investigation curieusement encore presque vierge, et je suis prêt à échanger des idées sur le sujet avec toute personne concernée.

L'ethnologie ou l'anthropologie a préféré s'intéresser aux tribus amazoniennes ou aux aborigènes d'Australie et la raison en est probablement que l'occidentalisation relative du Japon, puis maintenant de la Chine, cache l'ampleur du phénomene de l'altérite de ces cultures. La flexibilité extrême, ou ce que l'on pourrait appeler un art consommé de l'esquive et du détour (précisément "la voie de la faiblesse" - traduction exacte du mot "judo") est en effet un trait majeur de l'esprit et du comportement humain dans ces pays. Une agilité protoplasmique, jointe a des rigidités certaines mais sur lesquelles on a peut-être trop mis l'accent, donne à l'Asie des facultés exceptionnelles d'adaptation et d'évolution dans la compétition inéluctable des civilisations à l'échelle planétaire.

Le biologiste Konrad Lorenz notait que nous manquons de descriptions du comportement des céphalopodes, classe zoologique qui exerce une fascination, culinaire mais aussi générale, sur les Japonais - un peu comme le porc joue un rôle analogue non seulement dans nos régions mais du reste aussi chez les Chinois. S'il n'est bien sûr pas question de réduire la variété des groupes culturels humains à celle de la faune, il est certain que l'éthologie comparée est une étude irremplaçable et que nous ne possédons que trop peu de descriptions et d'analyses des différences de comportement, de psychologie et de mentalité entre l'Asie extrême et les civilisations qui nous sont plus familières. La première condition pour cela serait de prendre une conscience plus aiguë des limites, de l'étroitesse et des particularités de ce qui nous semble un peu trop vite universel ou primordial, ou de l'existence de codes de comportements plus rigides qu'on ne le croit qui forment l'ossature cachée de notre grande liberté apparente. Par cette mise en perspective, on verrait peut-être alors étrangement des soucis proches comme la question juive et la question islamique s'estomper, ou même - qui sait ? - se résoudre.

Si la santé se définit comme un équilibre entre l'épargne et la dépense, la retenue et la dispersion, la réserve et la puissance, ni l'Extrême-Orient ni l'Extrême Occident ne sauraient l'incarner. Le premier privilégie la rareté, le second l'abondance : d'un côté la constipation, de l'autre la diarrhée. Parler peu, respirer peu, manger peu, forniquer peu, s'agiter peu, vivre peu, tous ces paradoxes se reflètent dans les visage désertiques d'une Asie majeure où notre nez proéminent apparaît un signe d'arrogance et d'inculture.

Alors que l'expansion du corps, l'expression généreuse est ici pour nous un symbole naturel de santé, d'énergie vitale, retenir au contraire son élan spontané, avoir la courtoisie de ne pas occuper toute sa place - sans omettre la sagesse diététique de ne remplir qu'aux deux-tiers son estomac -, rentrer dans sa coquille, ou y faire du moins parfois retraite est, dans cette civilisation lointaine, un modèle de haute maîtrise de soi et de respect d'autrui.

Mais occuper sans complexe toute sa place implique pour nous d'empiéter éventuellement sur celle du voisin, tandis que s'agglomérer en bancs comme les huîtres, ou dans une promiscuité de massif de corail, est une tradition qui convient plutôt mal à nos habitudes politiques et juridiques. C'est ainsi que les rédacteurs de nos Droits de l'Homme en ont sans doute oublié quelques-uns, minuscules à vrai dire, mais d'une importance capitale au sens asiatique des valeurs : le droit d'être petit, timide mais fier, silencieux, fantomatique, rêveur, fuyant, enfantin et inepte jusqu'à la sournoiserie ; le droit d'être un caméléon ou bien, à volonté, une belle méduse gélatineuse qui flotte au gré du courant.

A dire vrai, la carapace d'un squelette externe protégeant la vacuité intérieure d'une existence liquide, protoplasmique, prête à toutes les flexibilités, s'accommode mieux de l'atmosphère des dictatures que des devoirs bruyants de la citoyenneté sur l'agora. Aussi le corps comme l'esprit extrême-oriental nous posent-ils une série de problèmes, non seulement juridiques et politiques, mais aussi biologiques et psychiatriques, presque médicaux. Une façon de vivre, d'exister, de s'alimenter et de s'exprimer qui paraît être une autre façon d'occuper l'espace, une fuite de monde ordinaire dans une dimension fantomatique qui serait alors, pour les sciences physiques et métaphysiques, une terra incognita. Ici la rudesse, la vulgarité de l'agitation ; là-bas le calme et le silence trompeurs de la perversité. Et toutes les variations possibles entre ces deux pôles se donnent libre cours sur le grand puzzle inextricable du planisphère.

Je ne saurais trop insister sur le rôle différent du langage en Asie dans les rapports qu'il entretient avec l'action et la réalité, en particulier dans le comportement japonais ou, plus généralement, les moeurs de l'Asie septentrionale. Nous parlons le plus souvent pour préparer une action, ou pour la coordonner, pour initier ou assouplir les relations intersubjectives. Tout se passe même comme si la parole nous était indispensable pour désamorcer une certain agressivité d'individu à individu qui nous est naturelle dans le cadre communautaire, non seulement celui de notre civilisation mais de la plupart des civilisations les plus proches.

En revanche, le système nerveux asiatique préfère fonctionner, et opère au reste admirablement, dans une sorte de connivence silencieuse, au-delà ou en-deça du langage. Il semble même que la séparation de l'activité des trois zones cérébrales commandant le langage, la pensée et l'action soit considérée, dans ces cultures, comme la plus normale et la plus efficiente. Or, les moments de tranquillité, de passivité et d'immobilité, sinon mystiques, du moins mystérieuses qui en résultent, présentent pour l'immense majorité des Occidentaux un caractère troublant et dérangeant.

Cette incompatibilité d'organisation cérébrale et nerveuse est à l'origine, de part et d'autre, de malaises et d'incompréhensions dont le caractère pathétique ou comique, pourrait faire l'objet d'un long livre. Ne pas s'adresser la parole, fût-ce dans le cérémonial du bonjour, revient d'un côté à exprimer une mauvaise volonté de départ, voire même une déclaration d'hostilité ouverte : qui ne parle pas pourrait frapper, ou en tout cas n'est pas digne de confiance. Il apparaît difficile à des Occidentaux, mais aussi à un assez grand nombre d'Africains et de Moyen-Orientaux, et même à une certaine partie des Indiens du Nord-Ouest, d'imaginer, ou à plus forte raison de mettre en pratique, un type d'abord, ou de rencontre entre les personnes qui serait fondé sur ce que j'appellerai "une émotion biologique silencieuse" et, de plus, intériorisée à l'extrême. Ce sentiment de reconnaissance de l'ordre de la tribu ou de la horde, considéré comme trop archaïque, a disparu depuis longtemps de nos moeurs ordinaires. Il est d'ailleurs assimilé à l'anormal et au pathologique, ou parfois à une forme d'inculture. Et, en effet, il est en quelque sorte infraculturel, fortement ancré dans le corps, sous la forme d'une sorte de liaison nerveuse invisible, un fil ténu de solidarité qui évoque pour nous soit des images de vie animale en colonie, comme sur des bancs de corail, soit des connotations de communauté religieuse, de couvent, voire de secte.

Soit trop biologique et pas assez humain, soit trop spirituel et plus qu'humain, ce mode d'union et de rapport met en oeuvre des sentiments excessifs - en quoi il est d'ailleurs considéré comme plus féminin que masculin, plus enfantin qu'adulte - et un type d'intrication corps-âme qui n'est plus courant, en particulier dans le monde contemporain considéré comme normal et moderne.

Cette disjonction, ou ce retard de la parole contribue à accroître l'énergie et les facultés de ralentir ou d'accélérer l'action, de telle sorte que les Extrême-Orientaux peuvent souvent être, à volonté, soit beaucoup plus rapides, soit beaucoup plus lents que nous, reculant ainsi les frontières ou les proportions du monde normalement appréhendé. Cette faculté est certainement partagée dans toutes les cultures par les artistes, êtres exceptionnels ou hors norme par excellence, sans compter les espèces animales dont les organes de perception sont plus fins, plus puissants que les nôtres, ou qui fonctionnent d'une façon particulière. C'est ce qu'avait repéré Van Gogh lorsqu'il écrit dans une lettre qu'il s'émerveille de la façon qu'ont les Japonais de dessiner avec la rapidité de l'éclair.

Tout se passe donc comme si, conformément d'ailleurs aux vues hindouistes ou bouddhistes, un grand nombre de mondes différents étaient emboîtés les uns dans les autres, telles des poupées matriochka, le monde ordinaire ou normal n'étant que le plus fréquent, le plus banal ou le plus commode, à l'intérieur des limites précises d'une civilisation donnée.

Il n'existe donc pas un seul temps et un seul espace, mais plusieurs, variant avec les différentes civilisations, types humains et espèces vivantes. Changer de culture, comme de règne animal, pourrait être ainsi glisser dans une autre dimension, passer magiquement, mais réellement, dans un autre monde.

Très rapidement exprimé, en un certain sens, tandis que l'Occident vivrait à l'intérieur d'une géométrie faite de repères grecs, un monde euclidien, d'autres civilisations pourraient se mouvoir à l'aise dans des espaces, des proportions, des perspectives plus vastes et plus complexes.

Or, depuis environ un siècle et demi et même si certains aspects semblent lui échapper encore, l'Asie extrême nous a plus étudiés que nous ne l'avons fait, et donc nous connaît mieux que l'inverse n'est vrai. Se pourrait-il que nous soyons, à l'heure actuelle, aussi démunis sur les plans philosophiques, psychologiques et spirituels profonds, que l'étaient au milieu du dix-neuvième siècle, dans le domaine des sciences et de la technologie, la Chine, le Japon et d'autres pays antiques ?

Si tel était le cas, ce serait déjà un phénomène historique et politique de très grande importance.

Mais, sur un plan théorique aussi, cette conviction que les Extrême-Orientaux se déplacent, pensent et agissent dans un autre espace, un univers intraverti et renversé fort différent du nôtre, ne me laisse pas en repos. Car l'hypothèse moniste, et, en tout cas, la nécessité d'une unification s'impose incessamment à l'esprit qui cherche à comprendre le Tout.

Si ces quelques remarques ont un sens, et selon moi une multitude de faits l'atteste, alors la singularité asiatique, étudiée à la lumière de notre normalité, nous cacherait une formidable réalité, à la fois surprenante, dérangeante et passionnante, qui resterait encore à découvrir.

Ce serait, dans le domaine de l'énergie vivante, l'équivalent d'une équation d'Einstein.

A suivre...

Bibliographie

3 ouvrages de référence de Konrad Lorenz traduits par Jeanne Etoré :
1 ) L'envers du miroir, Flammarion 1975
2 ) L'homme dans le fleuve du vivant, Flammarion 1981
3 ) Les fondements de l'éthologie, Flammarion 1984

Haut de Page





rect rect rect rect rect rect rect rect rect
©Waternunc.com 2001-2003