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Carte || Liens communs || Liens Japon || Liens Chine


Alain R. Coulon collabore sur notre site à la rédaction et à la mise en forme des pages en chinois et en japonais. Il présente ses appréciations dans les textes ci-dessous après de longs séjours résidentiels en Asie.


En voyage dans le transmogolien...
copyright AR Coulon
"Alain Robert Coulon a séjourné 21 ans en Asie : 2 ans en Chine (un an à Pékin et un an à Nankin) et 19 ans au Japon (deux ans à Nagasaki et 17 ans à Tokyo).

A cela s'ajoutent 5 voyages en Thaïlande, 2 voyages aux Indes et au Népal. Il a traversé trois fois le continent eurasiatique de Pékin à Paris via Moscou (deux fois par le transmongolien -train chinois- et une fois par le transmandchourien -train russe-). Un article sur son dernier voyage est paru dans l'hebdomadaire "Valeurs actuelles"(1) (dernière semaine d'août 2000).

Sommaire des textes d'A.R. Coulon :




VU DE LA FENETRE DU TRANSMONGOLIEN : DE TOKYO A PARIS, UNE TRAVERSEE AU COEUR DE LA PSYCHIATRIE DES NATIONS.


2ème partie | 1ère partie


Campagne de Chine : monde de la terre ou de la brique.
Sibérie : monde du bois, cabanes sommaires, isbas, datchas.
Europe : naissance quelque part entre la Pologne (où s'observent encore des gares de campagne en bois) et l'Allemagne, de la grande maison individuelle en pierre - ferme ou villa. Mais ce schéma lentement se complique.
Au centre des grandes villes, la Chine tourne maintenant au Las Vegas, à la féerie d'un nouveau Disneyland.
Pourtant, à deux pas des grands hôtels, des immeubles de verre, si l'on sait voir, le coiffeur improvisé, côtoyant le réparateur de bicyclette, travaille toujours sans boutique sur le trottoir. Pour ceux-ci, en trente années, presque rien n'a changé.

Au nord de Pékin, le vieux palais est immobile aussi : ses chaudrons sacrificiels, ses grues de bronze, symbole d'immortalité, restent pétrifiés.
Au sud de Pékin, les rotondes bleues du Temple du ciel (Tian Tan) vous attendent patiemment, semblables à elles-mêmes. Elles sont arrêtées, gelées, immuables, comme ce Temple des abstinences où, dit-on, l'Empereur du ciel se retirait chaque année pour trois jours, fermant les portes et les fenêtres de son corps, s'exerçant à une discipline de grand confucéen taoïste officiel - confucéen le jour, taoïste la nuit - symbolisée par ce caractère chinois des plus simples : "zhi" qui veut dire : "Stop ! arrêtez !".

Grève et vacance.
Abstinence de nourriture, abstinence de paroles, abstinence de tout contact. Cessation de pensée, isolement total.
Quand bien même cette fonction religieuse de l'Empereur de Chine (perpétuée de nos jours, sous d'autres formes, connues ou inconnues, par celui du Japon qui, une fois l'an, se fait photographier le dos courbé, les pieds bottés, en train de repiquer des plants de riz dans la boue de la rizière modèle de son palais), serait moins historique que mythique, elle témoigne d'un souci d'administration exemplaire, un sens du devoir politique et moral qui étonnent.

Besoin de vide, de trou, d'un moment chômé de repos où tout s'arrête.
Il en est ainsi, vulgairement, de nos "grandes vacances".



Et prendre le Transsibérien, c' est aussi une façon, en soi, de s'arrêter, de s'abstraire du monde, de sauter au-dehors du temps et de l'espace, à la manière d'un navigateur sasn racines, d'un nomade, d'un cosmonaute.

Au-delà du lac Baïkal contourné une journée entière sans apercevoir l'autre rive, mer enfermée dans un continent (analogue russe du "Qing Hai" chinois, dans la province du même nom, la "mer bleue" ou "mer de l'ouest" qui sent le sel, au nord du Tibet ), arrivent en abondance le bois, le champ, l'eau, et avec eux la richesse de la terre, la fécondité, la culture. La civilisation peut-être ...

Puis ensuite la monotonie, la nostalgie douce-amère du bouleau, pour trois jours, vous tient, vous retient.
Pour contrebalancer, les quais des gares se transforment en marché, en cantine. La grand-mère lève le couvercle de la soupière, exhibe le pot au feu qu'elle vous a mitonné ; l'odeur du choux et de la carotte s'élève. Des femmes en rond échangent, comparent, troquent, essaient grotesquement, par-dessus leurs vêtements colorés et flottants, des soutiens-gorge blancs ; une belle solitaire arpente le quai, l'air égaré, une robe neuve à vendre plaquée à son corps comme un drapeau.
L'atmosphère devient surréaliste.
Mais s'il y a sans doute abondance de petits voleurs, comme se plaisent à vous en avertir les employés chinois du train, il n'y a plus, ou il y a moins d'hommes en état d'ébriété, de malfaiteurs empoignés solidement devant tous par la police, spectacles aperçus autrefois. En revanche, il y a toujours ces latrines sans portes de devant sur tel quai ; ou ces nuées d'enfants (en Mongolie en fait) qui demandent qu'on ouvre les fenêtres à telle gare, qui vous regardent au désespoir si on ne le peut pas, ce qui arrive sur tout un côté du train, qui se faufilent alors sous les wagons, et sur lesquels certains déversent, en riant, une pluie de pièces de monnaie, de crayons, de confiseries.

A Moscou, il faut changer de gare, passer de la station de Iaroslav à l'Est à celle de Belarus à l'Ouest, s'offrir soit le luxe d'une nuit blanche dans des salles d'attente bondées d'où les dormeurs sont chassés, vers trois heures du matin, par des machines à nettoyer tonitruantes, soit descendre à l'hôtel Ukraina, qui ressemble en moins haut à l'Empire State Building, et dont les vastes salles de marbre vous transportent dans la Russie des vieux films.

Du reste, au bas de la Place Rouge, l'encens s'échappe d'un réduit où des femmes en transe se pressent, dévidant une prière ininterrompue devant une collection d'icônes.
Qu'est-ce d'ailleurs que le Kremlin, sinon un conglomérat d'églises, dont les perrons se font face dans une enceinte, pas très loin d'un énorme canon dont le calibre et les boulets font paraître presque ridicules ceux de nos Invalides ?
Quant au métro, par quelle aberration de l'information tant de gens ignorent-ils qu'il est bâti comme un palais marmoréen dont les sculptures, les mosaïques , les frontons, les chandeliers titanesques semblent les fantaisies déplacées d'un démagogue mégalomane.
Dans ce décor impérial, un violoniste de dix ans, pauvre enfant prodige, s'exerce humblement ; une jeune fille unijambiste quête ; des matrones au guichet font la loi avec compétence.

Et comme un prince, vous attendez le train assis sur un banc de marbre blanc.

Nous sommes le lundi 12 juin de l'an 2000 - jour de fête nationale : la ville est en liesse. Des gymnastes ou des ballerines au port magnifique vont à leurs rendez-vous, vaquent à leurs affaires dans les cafés chics.
A la fontaine aux chevaux hennissants, située dans les jardins au-dessous du Kremlin, les amoureux se rafraîchissent en courant sous les jets d'eau.

Tout semble idylique, sinon qu'au restaurant de l'Ukraina, où un plat vaut un mois de salaire, le serveur vous retirera en hâte l'assiette pour rapporter habilement les restes aux cuisines.

Nouvelles pièces du puzzle après Moscou, le petit Belarus semble un curieux Etat fantôme dont on cherche en vain la frontière orientale avant d'arriver à Minsk, sa capitale ; tandis qu'à la frontière entre la Pologne et l'Allemagne orientale, a lieu une seconde opération de changement des essieux du train, plus rapide et plus élégante qu'en Mongolie.

Contredisant les odeurs de foin, les chars à banc, les petites gares en bois à l'ancienne, comme dans un jeu de poupées au coeur de la Pologne rurale, des policiers font brusquement leur apparition sur les quais aux haltes des grandes villes, pénètrent sans façon dans les compartiments, inspectent les couloirs ; la nuit, on vous remet un dispositif spécial en fer pour bloquer les serrures des portes de l'intérieur, dans les wagons-lits de première classe.

Mais la frontière entre le Pologne et l'Allemagne est la dernière.

Comme par enchantement, le voyageur glisse ensuite sans encombre vers la Belgique et la France : plus un douanier, plus un contrôle, plus de feuille à remplir en indiquant les devises en sa possession.

L'Europe est enfin là.
Peut-être.


Entre-temps, à Berlin, vous aurez visité le palais de la reine Charlotte, en face du Musée d'Egyptologie ; erré dans le jardin zoologique qui se veut le plus grand du monde ; et constaté à quel point les immense chantiers qui se sont ouverts près de la Porte de Brandebourg - pâle analogue de l'Arc de Triomphe - démontrent par la négative tout ce qui reste ici à accomplir pour égaler Paris.

Mais pourquoi ne pas vous arrêter aussi à Bonn où les hôteliers accueillent dans l'enthousiasme un client devenu plus rare ; où l'on prend le petit-déjeuner, à l'Hôtel Continental, dans l'ancienne salle des conférences internationales ; où la maison de Beethoven est toute endimanchée, et ne vaut pas, au vieux Friedhof, la paix ailée qui émane des grands oiseaux et des anges blancs sculptés au-dessus de la tombe de Robert et Clara Schumann , non loin de Schlegel et de Schopenhauer.

Libre à vous alors de rentrer enfin à Paris et d'aller admirer la rondeur, vraiment déboussolante, des tours de cette merveille de l'architecture, inconnue et si mal nommée : le Palais "de la conciergerie", qui, par exception, hait la symétrie - enfin content, comme Ulysse, d'être revenu chez vous, et tout abasourdi de rester un étranger aussi peu désirable dans sa patrie.

Car, rue de la Sorbonne où vous vous êtes rendu, quelques jours plus tard, pour écouter, par exemple, l'un de ces colloques sans fin des Etudes sartriennes, qui eût probablement indigné Sartre, vous aurez le maheur d'effleurer, de heurter légèrement par mégarde, sur l'étroit trottoir, un jeune homme au crâne rasé.

Et il vous déclare : "J'arrive du 93 !!".

Sa voix est tonnante, bien différente de ces Tibétains dont le Père Huc, vers 1850, nous disait déjà qu'ils parlent peu et toujours à voix basse.

Vous restez interloqué à l'issue de votre long voyage.

Le français est devenu pour vous plutôt un dialecte qui ressemble à un chant confus, un gazouillis d'oiseaux, du Debussy vaporeux.

Le 93 ?? - S'agit-il d'un régiment, d'un bataillon disciplinaire, d'une référence au roman de Hugo ?

Et comme, accoutumé au laconisme japonais, vous vous excusez insuffisamment, le jeune homme vous décoche soudain un violent coup de pied à la cuisse, avant de s'enfuir - premier acte d'hostilité directe après tant de frontières traversées, tant de dangers encourus, tant de nations croisées, près de vingt années et demie en Asie.

"Où que j'aille, là est ma maison ; l'étranger est pour moi terre natale", aurait dit cet autre mauvais larron, François Villon.

Avec un sang-froid de judoka, vous n'avez pas répliqué.
Le combat a perdu toute raison d'être.

Qui écrira jamais une psychiatrie des nations ?

Ici, le pervers qui parle peu, qui se contrôle trop, qui contracte et retient son corps par politesse et civilité, qui ne s'exprime pas directement, qui vibre et frémit plus qu'il ne pense, qui fonctionne par intuition, émotion biologique silencieuse, double vue, sixième sens et mysticisme, est suspect.

Là, c'est au contraire, l'agité qui dit sans réfléchir tout ce qui lui passe par la tête, qui dilate son corps, revendique la liberté complète et capricieuse de ses gestes, actes et des paroles, que l'on voue à l'asile.

En Occident extrême, la diarrhée du laxisme.
En Orient extrême, la constipation, la rétention, le refus, le mépris ou la honte de la liberté individuelle, de la déclaration solitaire et ouverte d'indépendance.

Au milieu est-ce la santé ?

Si toutes les anatomies humaines sont très semblables sur cette planète, à n'en pas douter les systèmes nerveux, les ondes cérébrales fonctionnent différemment.

Ici, la parole est indispensable à l'action, aux présentations. Il faut parler pour se faire comprendre.
Là, la parole est un frein inutile, l'intelligence (ou la ruse) suppose de comprendre en silence.
Ici, on s'embrasse sur la joue. Là, on s'embrasse du regard.
Ici, la rhétorique et la grammaire. Là, le fluide, l'onde, le medium.
Ici la verticale et l'horizontale, le carré et l'aplomb. Là, la diagonale, la rondeur et l'obliquité.
Ici, le ton direct, sans détour. Là, la litote, la pudeur, le tact et la diplomatie.
Ici, la guerre ouverte, la colère rouge. Là, la guerre rentrée, les colères blanches ou vertes.

Et le tracé du Transsibérien est une sorte de carte cérébrale où le voyageur se promène dans toutes l'étendue des champs psychiques, oscillant au gré des lignes de force d'une géographie de l'esprit, explorant toutes les variantes d'humanité et d'inhumanité possibles, de la réserve méditative à la puissance hyper-active, de la violence effrénée et du volontarisme forcené, à l'action subtile et légère, à la résistance passive - victoire de la cérébralité, de l'intériorité, de la spiritualité.

Passer de Tokyo à Paris, c'est voir se dérouler le jeu entier des formes transitoires, d' une intériorité masochiste qui peut s'accommoder du collectivisme, de l'obéissance, du respect des tabous, à une extériorité forcenée qui exige la singularisation.

Quelque chose, lentement, sort d'Est en Ouest, dans les visages comme dans les esprits, passage de la horde au héros solitaire, de l'inexpression sournoise et honteuse d'un simple membre du clan à l'expression à outrance d'un homme dit "libre", et qui exige un contrat social - lever de soleil du politique et du juridique dont la psychologie asiatique, au fond, n'a pas besoin, se passe, se moque, ou se libère, avec les conséquences que l'on sait.

Certes, la horde peut être une Horde d'Or dont les subtilités et le raffinement sont inimaginables, un luxe qui apporte de vives satisfaction à chacun de ses membres, compensant ainsi le sacrifice de chaque minuscule moi particulier au profit du grand Moi collectif, lequel ne peut se définir et se perpétuer que par la guerre contre les hordes voisines, dans un monde qui se resserre.

Paradoxe des paradoxes, l'hyper-culture peut en arriver à être un paravent de la barbarie, un peu comme une carapace externe recouvre le vide, comme la coquille cache l'invertébré. Les mammifères supérieurs ont les os recouverts de chair - squelette interne solide et bien proportionné, parfois lourd.
Le règne des poissons a une flexibilité redoutable. Le flottement de la méduse peut être dit le plus beau et plus subtil. Le protoplasmique est une réalité séduisante mais dangereuse.

Une identité modeste serait-elle préférable à une grande ? Et pourtant toutes les structures aspirent au sans frontière.
Mais qui recherche l'infini est sage de le chercher très près.

La raison aboutit à la déraison, à l'inepte, à l'absurde.
Qui embrasse une réalité l'étouffe et plus on embrasse la vérité, moins on l'étreint.

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