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CONFÉRENCE INTERNATIONALE
"EAU ET DÉVELOPPEMENT DURABLE"
Paris - 19/20/21 mars 1998

Documents de travail - Ateliers d'experts (II)
- Le Développement des outils réglementaires et des capacités institutionnelles -

 

- II.1- AMELIORATIONS INSTITUTIONNELLES :

D’une façon générale, les difficultés rencontrées pour tendre aux objectifs d’une gestion globale et durable des ressources en eau sont principalement les conséquences d’une organisation institutionnelle insuffisante se traduisant souvent par:

- un déficit de planification générale et d’aménagement du territoire tant sur le plan du développement urbain que rural;
- un manque de planification et de gestion de la ressource en eau;
- un management des services collectifs d’eau et de l’irrigation trop souvent défaillant.

 

Les principales difficultés peuvent être identifiées schématiquement de la façon suivante :

 

2. · II.1.1 - les deux tiers des grands bassins versants mondiaux sont partagés entre plusieurs pays :

Chacun d’entre eux entend bien généralement développer "ses" ressources en eau à l'intérieur de "ses" propres frontières, sans toujours prendre en compte les indispensables solidarités "amont-aval".

Même s'il existe déjà des Conventions internationales, le plus souvent chaque pays organise encore "sa" gestion de l'eau sur "son" territoire, sans avoir engagé autant qu’il faudrait une concertation suffisante avec ses voisins concernés.

3. Malgré certaines initiatives internationales conventionnelles, les conflits entre les pays pour la répartition harmonieuse des ressources partagées ou du fait de pollutions risquent de créer de graves tensions régionales.

4. Ces problèmes ne sont pas mieux résolus dans beaucoup de grands pays fédéraux, lorsque les compétences respectives du Gouvernement central et celles des Etats, voire des Etats entre eux, ne sont pas convenablement réglées.

 

  • II.1.2 - Des systèmes de gestion globale des ressources et de planification intégrée sont utiles:

Dans beaucoup de pays, chacune des administrations techniques spécialisées organise le développement du secteur en ce qui la concerne: agriculture, industrie, hydroélectricité, travaux publics, développement urbain, tourisme, protection et conservation de l’environnement ; la coordination et parfois la concertation restent à organiser.

6. · Les systèmes d'information intégrés sur l'état quantitatif et qualitatif de la ressource, sur les prélèvements et les rejets, ainsi que sur la préservation des intérêts patrimoniaux, sont souvent embryonnaires de même que les observatoires de bassin.

7. Bien que de plus en plus les bailleurs de fonds internationaux aient recommandé l'élaboration de schémas directeurs de bassins hydrographiques, afin de coordonner les programmes de développement sectoriels, ainsi que la mise en place d'organismes appropriés de gestion, il y a encore eu trop peu de pratiques, ni même d'évolution en ce sens.

8. · II.1.3 - la régulation des allocations d'eau entre les différentes categories d'usages peut etre amelioree :

L'importance de la demande en eau d'irrigation et la croissance de la demande en eau domestique et industrielle risquent de conduire à des problèmes d'affectation des ressources immédiat ou à terme, notamment en situations de pénurie ou dans les régions les plus arides.

L'approche exclusivement quantitative qui a prévalu jusqu'à ces dernières années devra composer avec une approche qualitative, imposant des modifications substantielles dans l’organisation et les pratiques de gestion des ressources en eau et l'attitude des diverses catégories d'usagers, en particulier pour développer des pratiques plus efficientes et organiser le recyclage et la réutilisation optimale des eaux usées épurées.

 

9. II.1.4 - Les réglementations des prélèvements et des rejets doivent etre mises en place et appliquees

Des prélèvements incontrôlés et d’importants gaspillages risquent d'entraîner des surexploitations dangereuses, voire irrémédiables pour les nappes et les écosystèmes

C'est notamment le cas lorsque n'a pas été résolue la délicate question de l'articulation entre le droit de propriété du sol, qui est statique, et le droit d'usage de l'eau qui est mobile, ce qui nuit au nécessaire contrôle des prélèvements et rejets par les pouvoirs publics.

 

Les administrations n’ont pas en général les moyens adéquats pour assurer la " police des eaux " et donc un contrôle suffisant des prélèvements et des rejets et le suivi des contentieux - il n’existe encore que très peu de véritable " cadastre " des usagers

 

10. II.1.5 - la "culture de l'eau" reste à développer :

L’accès à l’information tout comme la sensibilisation des responsable locaux et des représentants des usagers et de la population sont difficilement assurés.

Cela rend plus difficile la participation des usagers aux décisions, au financement, et à la gestion efficace des institutions et des services.

De leur côté, les institutions ne se donnent pas toujours les moyens de comprendre les besoins et les pratiques des populations en ce qui concerne les différents usages de l'eau. C'est pourtant une condition indispensable à la formulation des projets destinés à fournir des services durables aux intéressés.

Des programmes intéressants ont cependant été développés pour l’aide à la décision des responsables locaux et l’information des usagers et du public.

 

11. II.1.6 - Les projets doivent etre financièrement viables :

La gestion de l’eau doit comporter une composante sociale et environnementale qui rend plus complexe les stratégies d’investissement et d’exploitation.

12. Que ce soit pour l’irrigation, pour l’eau potable, ou pour l’assainissement lorsqu’il existe, les tarifs pratiqués ne permettent trop souvent pas d’équilibrer les coûts d'amortissement des investissements et parfois même pas ceux d’exploitation et de maintenance. Le renouvellement des équipements est rarement assuré.

13. Or il est évident que les seuls moyens budgétaires publics seront insuffisants pour faire face aux investissements considérables à réaliser, même avec le recours aux financements internationaux, éventuellement concessionnels mais qui pour l’essentiel devront être remboursés.

La concurrence est forte avec d’autres besoins qui, eux, ne peuvent être financés par les contributions des usagers.

14. Il est indispensable, sauf à courir le risque d'une rupture assez rapide, que soient réellement pris les moyens d'une gestion industrielle et commerciale des services des eaux, adaptée aux situations locales.

15. L’accès à l’eau potable ayant un caractère de service public, il convient de veiller à ce que la puissance publique en conserve le contrôle dans les cas où la gestion de celui-ci serait déléguée.

 

16. II.1.7 - les services des eaux présentent des problèmes communs :

² les ouvrages sont mal entretenus et se détériorent rapidement
²
les volumes d’eau produits sont bien supérieurs aux volumes utilisés et encore plus aux volumes facturés
² le taux de factures impayées est très élevé
² une organisation et des procédures de travail peu orientées vers la gestion optimale des ressources humaines et des effectifs trop importants et mal formés.

17. Le déficit de gestion technique, administrative, commerciale et managériale a des conséquences lourdes sur les projets, notamment ceux qui sont soutenus par les institutions financières internationales:

 

  • une analyse économique des projets réalisés montre que, dans leur grande majorité, ceux-ci n’ont pu générer le retour sur investissement prévu
  • en conséquence de pratiques médiocres de maintenance, d’exploitation et d’entretien des ouvrages, la durée de vie d'équipements coûteux a été réduite. Nombre d’investissements réalisés l’ont été à fonds perdus et nécessitent des opérations lourdes de réhabilitation, voire une reconstruction à neuf, le plus souvent faisant appel à des crédits publics.

 

-  II.2 RAPPEL DES CONDITIONS ET PRINCIPES D’UNE MEILLEURE GESTION

  1. II.2.1 - un cadre administratif et réglementaire clair :

    Il faut définir les rôles complémentaires :

    - de l’Etat en matière de régulation et de contrôle
    - des collectivités locales et des usagers pour la prise des décisions qui les concernent
    - des opérateurs publics et privés pour la gestion et l’exploitation
    - de la société civile

19. et prendre en compte:

- l’eau: ses usages et les ressources
- l’aménagement du territoire (utilisation urbaine et rurale de l’espace par les activités économiques, industrielles et agricoles)
- les caractéristiques géographiques, historiques, sociales, culturelles, religieuses ainsi que les coutumes et traditions locales
- l’articulation entre droit du sol et droit de l’eau
- les exigences du développement rural

19 bis . L'Etat doit mettre en place les moyens nécessaires pour faire respecter ce cadre de droit. L’administration doit en particulier disposer sur le terrain de moyens de contrôle et de surveillance efficaces et permanents et être soutenue dans son rôle de conseil aux usagers, mais aussi de répression éventuelle si celle-ci est nécessaire.

Le non respect des normes ou des clauses administratives conditionnelles devraient se traduire par des poursuites pénales ou des amendes. Dans certains pays les délits graves peuvent aller jusqu'à des peines d’emprisonnement.

Dans certains pays, notamment en Europe Centrale et Orientale, il peut s'agir d'"amendes" ayant un caractère automatique et permanent, infligées surtout aux industriels dès lors que leurs rejets polluants dépassent certains seuils. De telles pratiques ont l’inconvénient d’introduire une sorte de " droit à polluer " qui n’incite pas à la réduction des rejets.

 

20. II.2.2.- quels objectifs et à quelles échéances ?

Le secteur nécessite à la fois des actions renforcées pour mieux gérer les services et accroître l’efficacité de l’eau consommée et d’importants investissements, notamment pour accroître l’accès à l’eau potable et améliorer la qualité de celle-ci, pour développer l’irrigation rationnelle nécessaire à la satisfaction des besoins alimentaires de l’humanité, également pour lutter contre les pollutions, qui deviennent un des problèmes majeurs.

21. Or il est désormais évident que les budgets publics ne pourront plus faire face seuls à ces besoins et que donc la capacité d’investir dépendra pour l’essentiel de la possibilité qu’auront les différentes catégories d’usagers de participer financièrement au développement du secteur.

22. Les deux variables d’ajustement possibles sont:

- d’une part, les normes de consommation ou de qualité à atteindre, qui ont évidemment un coût de plus en plus élevé lorsqu’elles sont de plus en plus ambitieuses

- d’autre part, le temps que l’on se fixe pour les atteindre, qui permet de " lisser " les efforts à réaliser en fonction des disponibilités réelles.

 

* II.2.2.1 - l'importance de la réglementation et des normes

23. Il est bien clair qu'il faut pouvoir afficher dans chaque Pays, voire au niveau international, des objectifs et des règles qui s'imposent à tous, avec des ambitions et des échéances réalistes et progressives et les moyens de contrôle et d'obligation correspondant. C'est le cas des conventions internationales ou des règlements européens par exemple.

24. Cela est indispensable à la fois en termes :

- d'orientation des efforts demandés aux usagers,
- d'équité, pour que tous les acteurs concernés sachent bien que, ce qui leur est demandé, est aussi demandé aux autres à situation équivalente : égalité des citoyens vis-à-vis de la législation ou du service public - égalité de concurrence entre les entreprises ou les producteurs (agriculteurs irrigants, aquaculteurs ...).

25. Mais, ces normes doivent faire l’objet d’un débat tenant compte des réalités : il en est ainsi en particulier de l’accès à l’eau potable :

La satisfaction la plus rapide possible des besoins essentiels en eau potable de toutes les populations, quels que soient leurs niveaux de revenus (monétaires et non monétaires) devrait être la première priorité. Par besoins essentiels doivent être entendus ceux devant être assurés en tout état de cause, indépendamment de la solvabilité financière des usagers. Pour que cette priorité se traduise dans la réalité, il importe de la gérer avec réalisme.

26. Les garanties de respect de normes bactériologiques et chimiques pour des quantités plus importantes que celles des besoins essentiels peuvent coûter très cher. Comme dans les pays développés d'aujourd'hui dont le très long trajet dans ce domaine est souvent loin d'être terminé, ces normes ne pourront souvent être assurées que sur le long terme, en corrélation avec le développement économique et social global.

27. Les techniques de fourniture des services doivent être adaptées de façon économiquement et socialement réalistes aux conditions locales de distribution. La fourniture 24 heures sur 24 avec branchement domiciliaire individuel est un objectif du long terme applicable en premier lieu aux zones urbaines denses ou riches comme il l'a été dans tous les pays industriels. Elle est, dans de nombreuses zones péri-urbaines ou rurales surdimensionnée et coûteuse par rapport aux objectifs de satisfaction des besoins essentiels et par rapport aux capacités financières des consommateurs et des bailleurs de fonds. Des solutions de dessertes collectives ou informelles y fourniront pendant encore longtemps (pour l'eau et l'assainissement) des solutions au moindre coût d'une satisfaction rapide des besoins essentiels. Ces solutions nécessitent encore d'importantes recherches appliquées et beaucoup d'innovations, tant dans les domaines techniques que commerciaux, sociaux et institutionnels.

28. La fourniture finale (au détail) de l'eau peut très fréquemment être confiée de façon efficiente à des détaillants des secteurs formels ou informels, ou à des associations locales. Ces acteurs sont en règle générale bien plus proches des usagers et de leurs problèmes que les grands opérateurs techniques. Des mécanismes de régulation et de contrôle devront cependant être mis en place pour la protection des usagers et pour éviter de remplacer les effets pervers des monopoles par d'autres.

 

 

* II.2.2.2 - planifier des échéances réalistes :

29. En effet, la mise en place des moyens et des infrastructures obligatoires prend toujours du temps, compte tenu des délais nécessaires à :

* la sensibilisation de l'opinion publique et des usagers,
* aux réformes administratives, créant le cadre juridique utile,
* à l'étude des projets à l’obtention des autorisations et des financements nécessaires et à la réalisation des chantiers.

Enfin, l'évidente limitation des crédits mobilisables oblige à une programmation pluriannuelle sur le long terme.

30. Une politique de l'eau est hautement capitalistique et ne se conçoit que sur une période de 10 à 30 ans selon les situations de départ et les efforts acceptables.

Compte tenu de la multiplicité des besoins à satisfaire et des interventions, il est indispensable de définir une vision commune cohérente et multifonctionnelle des aménagements structurants à réaliser, des usages possibles et de leur localisation, des objectifs à atteindre, tant en terme de ressources rendues disponibles que de qualité.

31. Pour cela, l’élaboration de schémas directeurs d’aménagement et de gestion, fixant des objectifs à moyens et longs termes, lorsqu’elle a été réalisée, a montré son intérêt.

32. L’expérience ainsi acquise a montré que de tels schémas avaient intérêt :

- à reposer sur une démarche participative, associant les différentes catégories d’usagers et les Pouvoirs Locaux, à l’administration,

- à être élaborés à l’échelle la plus cohérente pour assurer une gestion globale de l’eau, qui est, en général, celle des bassins versants des grands fleuves ou de leurs affluents principaux et des grands aquifères,

- à être déclinés en Programmes d’Interventions Prioritaires, fixant sur le court terme (5 ans), les actions qui peuvent être entreprises, compte tenu des urgences, des moyens financiers réellement mobilisables et des contraintes administratives ou techniques de la réalisation des projets concrets.

 

33. Il faut alors :

+ sélectionner des objectifs accessibles et définir les priorités en fonction des moyens disponibles,

+ concevoir une "montée en puissance" progressive et réaliste, des outils financiers :

- ne portant, d'abord, que sur les paramètres qui créent les désordres les plus graves et pour lesquels existent des solutions techniques faciles à mettre en oeuvre,

- sélectionnant les "points noirs" facilement identifiables,

- impliquant au départ les plus gros utilisateurs et les principaux pollueurs (Compagnie d'Electricité, grandes sociétés d'aménagement, grosses entreprises industrielles, agglomérations), plutôt que de se disperser, avec beaucoup de difficultés et peu de rendement financier, pour impliquer trop tôt les villages ou les petits irrigants par exemple ...

 

34. Les techniques de calcul économiques et les indications des marchés de l’eau peuvent permettre d’asseoir sur des bases économiques plus sûres les choix d’investissement et les évaluations des grands projets.

35. L’évaluation socio-économique, la recherche des " solutions les moins coûteuses ", la sélection des projets doivent bien distinguer les divers niveaux de la mobilisation des ressources, des usages sectoriels et de l’épuration.

36. En particulier, le niveau de la mobilisation des ressources devient financièrement de plus en plus important : c’est celui des rendements décroissants du secteur de l’eau. Les méthodologies d’évaluation des projets à objectifs multiples devraient être plus particulièrement affinées, en particulier celles les barrages à usages multiples. Il faudra valoriser de façon plus rigoureuse l’eau régulée et stockée en fonction des valorisations que lui apportent les divers usagers sectoriels.

 

* II.2.3.- associer les usagers :

37. L'expérience acquise, depuis plusieurs décennies maintenant, en matière de gestion de l'eau, a mis en évidence la nécessité d'une association institutionnelle de "la société civile", dans des mécanismes de gestion décentralisée des ressources en eau, afin de tendre à une satisfaction optimale et adaptée de besoins diversifiés et en croissance constante.

 

En effet :

38. - les administrations et organismes publics chargés de la gestion de l'eau doivent déconcentrer leurs actions et l'appuyer sur un partenariat ouvrant la voie à une réelle participation à la prise de décision des Pouvoirs locaux et des représentants des usagers (ménages, irriguants, industriels, pêcheurs, ...);

39. - l'amélioration des services collectifs, tels que l'adduction d'eau potable, l'assainissement ou l'irrigation, ne sera possible qu'en développant des mécanismes permettant le recouvrement des coûts auprès des usagers, qui ne l'accepteront qu'en contrepartie de garantie sur la qualité et la permanence des prestations qu'ils attendent et d'une transparence accrue dans les modalités de la gestion, à laquelle ils exigeront d'être de plus en plus associés;

40. - les décisions devront progressivement s'inscrire dans des procédures démocratiques, ouvrant de plus en plus largement la possibilité d'expression de contre-pouvoirs qui, pour faire oeuvre utile et ne pas s'enliser dans des débats théoriques et stériles, devront disposer d'une capacité d'expertise indépendante et sérieuse et avoir accès à une information transparente et complète;

41. - de nombreux besoins ne pourront pas trouver leur solution par des voies traditionnelles organisées "d'en haut" par les Pouvoirs Publics, mais par des initiatives individuelles ou collectives directement du terrain, qui ne seront pas forcément spontanées et supposeront tout autant de compétences et de savoir-faire adaptés.

42. Il faut tenir compte également d'un vaste mouvement de décentralisation des compétences d'organisation des services de l'eau potable et de l'assainissement des Etats vers les Municipalités ainsi que des compétences d'irrigation collective vers les communautés d'irrigants : là, si l'on veut aboutir, c'est, à leur niveau, de véritables managers de "services industriels et commerciaux" qui devront émerger et acquérir rapidement de bonnes connaissances techniques et de gestion.

 

 

  • - II.2.4 - le rôle des entreprises :

43. Pour la création, la modernisation, la gestion et l’exploitation des différents types de services collectifs de l’eau, l’intervention directe des administrations, s’est le plus souvent soldée par des dysfonctionnements ou des échecs.

A l’inverse, il n’existe que très peu d’exemples d’intervention entièrement libérale de sociétés privées dans ce secteur.

44. Ainsi, l’expérience amène à promouvoir des approches de type industriel et commercial dans un cadre organisé par les Pouvoirs Publics Nationaux ou Locaux.

45. * II.2.4.1. dans le cas des entreprises publiques, ce principe conduit à préconiser une réelle indépendance de gestion, avec un budget autonome équilibré, un conseil d’administration et une direction responsables, intervenant dans le cadre " d’un contrat de plan " pluriannuel et réaliste, fixant les objectifs à atteindre et les contraintes à respecter, les prix à pratiquer et leur évolution, et les éventuelles subventions publiques contre parties de services spécifiques rendus aux administrations ou de conditions qu’elles imposeraient, en dehors des possibilités de refinancement direct au titre des services payants rendus aux usagers.

46. * II.2.4.2. l'intervention d’entreprises privées spécialisées est de plus en plus fréquente et justifiée en général :

- soit, par un besoin massif de financement,
- soit, par la nécessité de recours à une expertise ou un savoir-faire spécialisé.

47. Ces sociétés privées n’interviennent qu’exceptionnellement en acquisition directe d’un capital constitué des réseaux et installations elles-mêmes.

48. D’une façon générale, elles contractualisent leur intervention avec les Autorités compétentes, qui sont presque toujours propriétaires de ces installations.

49. Il est alors important que ces contrats, qui sont en général conclus sur le moyen ou le long terme, soient adaptés, clairs et contrôlables, donnant des garanties nécessaires aux deux parties sur toute leur durée, notamment lorsqu’ils prévoient un apport de capitaux privés qui doivent être amortis.

50. Ces contrats doivent être transparents et prévoir des modalités strictes de contrôle, ainsi que les cas toujours possibles de résiliation ou de contentieux, de même que les situations de fin de contrat.

51. Plusieurs types de contrats, d’ailleurs combinables entre eux, peuvent être envisagés en fonction des situations locales, des choix politiques des Autorités et des services à rendre.

52. Ils peuvent ne porter que sur l’exploitation, la maintenance ou l’action commerciale, seulement avec des formules d'intervention spécifiques ou générales, allant de la prestation de services, à la gérance, éventuellement intéressée, jusqu'à l’affermage complet d’un service dans son ensemble.

53. Ils peuvent également porter sur l’étude, le financement et la réalisation des infrastructures, couplés à l’exploitation durant la période d’amortissement de celles-ci.

54. Ces contrats peuvent ne porter que sur un ou plusieurs ouvrages spécifiques (B.O.T.) ou sur l’ensemble, là encore, d’un service complet (concession).

Des exemples de sociétés d’économies mixtes, associant des capitaux privés et publics, existent également.

 

- II.3 des impératifs de formation

55. La compétence des personnels est indispensable pour concevoir et utiliser au mieux les investissements importants à prévoir dans le secteur de l'eau.

56. Que ce soit pour l'adduction d'eau potable, la collecte et le traitement des eaux usées et pluviales des agglomérations, notamment les très grandes métropoles, pour l'irrigation agricole qui reste le principal poste de consommation de la ressource en eau, et de plus en plus pour satisfaire à la fourniture d'eau industrielle et au traitement des effluents toxiques ainsi que pour la prévention des inondations, les besoins des services en personnel sont considérables.

Dans les pays développés, il n’est pas rare que les services des eaux (publics ou privés) consacrent plus de 5 % de leur masse salariale à la formation professionnelle continue de leurs personnels à tous les niveaux hiérarchiques et dans toutes les spécialités utiles.

A l’inverse, la formation continue est quasi inexistante dans les administrations ou les services des eaux de beaucoup de pays émergents ou en développement : on estime que dans une première étape il serait indispensables que ceux-ci puissent disposer dans leurs budgets de 2 % de leur masse salariale sur le poste formation.

57. Si l'on peut considérer que de gros progrès ont été accomplis pour faire face aux besoins de formation liés à la réalisation des investissements, par contre deux des principaux "chaînons manquants" dans les compétences sont :

Le niveau "ingénieurs-techniciens supérieurs" d'exploitation et de maintenance (superviseurs), capables de faire réellement fonctionner les usines de traitement et les réseaux de distribution ou collecte et de diriger les équipes d'opérateurs, pour :

* atteindre les performances nominales attendues des équipements,

* éviter la dégradation trop rapide des matériels, faute d'une réelle maintenance professionnelle, et des surcoûts très lourds de réhabilitation répétée.

 

Le niveau "cadres et employés de management" qui doit permettre d'atteindre une gestion équilibrée des services, d'organiser les ressources humaines, de satisfaire les besoins des usagers sur la base de tarification ou de fiscalité appropriée.

58. Il faut, enfin, développer certaines expertises spécifiques de haut niveau pour répondre à des besoins tels que l'hydrométéorologie, les systèmes d'information, la réutilisation des eaux usées épurées, la recharge de nappes, l'utilisation de technologies non conventionnelles ou adaptées aux contextes locaux ainsi que la prévention des pathologies d'origine hydrique.

59. De fait, les établissements de formation existants, dont certains ont atteint un très bon niveau, ne satisfont cependant pas encore à la totalité des besoins, par manque de moyens pour accueillir des effectifs suffisants, par absence de compétences dans certains domaines techniques et économiques, ou parce que les appareils de formation ne s'adressent pas encore de façon appropriée à toutes les catégories de personnels complémentaires indispensables à la bonne marche des services des eaux.

Les efforts pour renforcer; ou le cas échéant créer localement, les capacités de formation nécessaires restent en général encore trop ponctuels et dispersés.

60. De nouvelles initiatives sont prises pour développer ou créer dans certains pays de nouvelles capacités de formation professionnelle continue.

- soit, sous forme de centres techniques offrant des formations pratiques aux opérateurs des services en les mettant en situation de travail. C’est le cas, par exemple, au Maroc où l’ONEP a créé depuis longtemps un tel centre, en Algérie avec l’INPE, au Nigeria avec le NWRI ou au Kenya avec le KWI ... Plusieurs projets de création de nouveaux centres sont en cours ou à l’étude, en Pologne (GFW), au Mexique avec la CNA, au Botswana (SADC), en Roumanie (CNDPAR) ou au Liban (Ministère des Travaux Publics) ;

- soit, sous forme d’instituts de formation institutionnelle et managériale spécialisée des cadres des administrations ou des services : c’est le cas de l’Institut Masaryk de Prague (République Tchèque), du CIRA à Salvador de Bahia (Brésil), du ROSNII à Iekaterinbourg (Russie) par exemple ...

 

l - II.4 l'information des décideurs et des usagers

61. La gestion de l'eau n'est plus aujourd'hui seulement l'affaire des professionnels du secteur, mais aussi, et de plus en plus :

• des membres des Parlements nationaux, amenés à voter les lois nécessaires et les budgets, ainsi qu'à évaluer l'efficacité des politiques suivies,

• des responsables locaux, notamment ceux des municipalités, qui sont amenés, de plus en plus fréquemment, dans beaucoup de pays, à organiser les services publics de l'eau potable et de l'assainissement, dans le cadre de compétences décentralisées,

· des représentants des usagers de l'eau, notamment les dirigeants des organisations professionnelles (agriculteurs, industriels ...) ou des O.N.G. appelés à participer à diverses procédures telles que l'élaboration de schémas directeurs, la fixation de redevances, en particulier au sein de conseils consultatifs ou de comités de bassin ...,

· de la population, en général, et des utilisateurs de l'eau, qui doivent être sensibilisés à la lutte contre le gaspillage, à la valeur économique de l'eau, à la prévention des maladies hydriques et des pollutions.

62. Le rôle spécifique joué par les femmes dans l'approvisionnement et les usages domestiques de l'eau est maintenant largement reconnu.

Leur participation au processus de consultation et de prises de décision est indispensable et nécessitera des actions ciblées dans certains pays compte tenu des structures de pouvoir existant au sein des familles.

 

l - II.5 L’ACCES A L’INFORMATION ET A LA DOCUMENTATION

 

63. L’accès aux informations utiles et à la documentation institutionnelle, technique ou économique est une nécessité.

Bien sûr la plupart des administrations ou des services des eaux ont un service interne de documentation, mais bien peu encore aujourd’hui ont accès aux fonds documentaires internationaux et sont organisés pour diffuser largement leurs informations vers les usagers extérieurs.

Une part considérable de l’information reste sous forme de littérature " grise " qui n’est jamais publiée et reste quasiment impossible à consulter.

Il devient indispensable d’aider à la modernisation des centres de documentation sur l’eau dans chaque pays intéressé et de faciliter l’accès de ces centres aux réseaux télématiques leur permettant de consulter les fonds internationaux et d’échanger entre organismes ou pays ayant des préoccupations ou des projets communs.

Suite à la Conférence Euro-Méditerranéenne sur la Gestion de l’Eau de Marseille (Novembre 1996), l’Union Européenne et les 27 Pays signataires des accords de Barcelone ont décidé de créer le Système Euro-Méditerranéen d’Information dans le Domaine de l’Eau (SEMIDE), qui leur permettra d’échanger sur Internet des informations homogènes et validées, en plusieurs langues utiles, entre leurs " points focaux nationaux ".

Le Réseau International des Organismes de Bassin (RIOB) développe lui-même entre ses membres un système (AQUADOC INTER) de mise en commun de leur documentation institutionnelle.

 

  • - II.6 le renforcement institutionnel est rentable

 

C'est une tâche difficile mais indispensable et peut être un investissement structurant.

L'amélioration du fonctionnement institutionnel est une condition impérative du développement durable dans le domaine de l'eau.

64. La croissance des besoins et la variété des usages, la complexification des sociétés, l'évolution des technologies, l'impact de l'économie créent des problèmes nouveaux, qui requièrent de nouvelles formes d'organisation et le renforcement des institutions concernées.

65. Mais le développement institutionnel est par nature un sujet complexe et sensible qui soulève toujours de nombreuses difficultés :

² l'eau est un monopole physique qui transcende les limites purement administratives, tout en étant étroitement lié à l'aménagement (urbain et rural) du territoire ;

² l'approche technique est souvent prédominante dans les choix, sans prise en compte suffisante des aspects économiques, sociaux et culturels ;

² le domaine de l'eau met nécessairement en jeu un très grand nombre d'acteurs publics et privés en charge d'intérêts territoriaux ou sectoriels différents, souvent contradictoires, toujours indépendants, qu'il convient de concilier ;

² les aspects culturels y sont toujours dans ce secteur forts et anciens car depuis toujours l'eau fait partie des préoccupations des populations et a généré des systèmes de gestion et structuré des organisations, dont il faut soigneusement tenir compte pour que les institutions en cause soient bien acceptées et puissent fonctionner efficacement et durablement ;

² enfin, le renforcement des institutions, des connaissances et des compétences professionnelles des différents acteurs à tous niveaux, exige d'urgence un effort considérable, qui doit s'inscrire dans le temps pour être durable.

 

66. En fait, concevoir, mettre en place et faire fonctionner des institutions efficaces, est une tâche difficile mais "rentable" car elle conditionne à coup sûr l'efficacité et la durabilité de toute action significative dans le domaine de l'eau.

67. Le développement institutionnel mérite donc de recevoir les financements nécessaires à sa mise en oeuvre, sous toutes ses formes, en particulier dans ses aspects formation et sensibilisation.

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