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La France également soumise au dictat des sociétés agrochimiques


Voir aussi le point-pays sur l'Inde





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Les pesticides au Punjab



mise en ligne en octobre 2008



Andrée-Marie Dussault, au Punjab indien

Référence de la première édition de cet article




" Ne faites pas de compromis ; Topik de Syngenta est le bon choix. " Tel est le message en hindi sur la publicité peinte à la main couvrant le mur de briques. L'herbicide produit par le géant de Bâle est en effet promu jusqu'au fin fond du Punjab indien, à Jalaldiwal, un village de 5000 habitants. Avec un marché de fertilisants et de pesticides chimiques estimé à un milliard de francs suisses (675 millions d'euros, ndlr), le numéro trois mondial de l'agri business n'est pas le seul à convoiter les fermiers du sous-continent. Elles sont une petite dizaine de multinationales et des centaines de compagnies locales à y faire des affaires en or.


Pub de Syngenta pour son herbicide Topik avec des villageois
Pub de Syngenta pour son herbicide Topik avec des villageois.
(On remarque une feuille de couleur verte sur le g de Syngenta... ndlr)
Photo © Andrée-Marie Dussault


les fermiers rencontrés chez le Dr. Sidhu ; celui-ci est le plus à droite
Les fermiers rencontrés chez le Dr. Sidhu ; celui-ci est le plus à droite.
Photo © Andrée-Marie Dussault

Rassemblés dans le salon du docteur Sidhu, cinq fermiers de Jalaldiwal témoignent de leur expérience avec les fertilisants et pesticides. Gursev Singh, un grand sexagénaire au turban rouge vin donne le la : " L'agriculture chimique est un échec total. " Il prétend utiliser depuis trente ans, comme des milliers de fermiers indiens, des produits dont certains sont interdits en Europe et aux Etats-Unis. " Nous sommes tous frustrés : nos coûts sont trop élevés et nous savons que nous mangeons du poison. "

L'Etat sikh est le plus grand consommateur. Il représente 1.5% des terres, mais il absorbe 18% des pesticides chimiques du pays. Mais pourquoi Gursev Singh et ses voisins n'ont-ils pas, depuis longtemps, délaissé l'agriculture chimique ? Au début, les effets sont positifs explique l'un d'eux. Mais au bout d'un moment, la production ralentie, la qualité des cultures se détériore. " Plus nous usons de pesticides pour lutter contre les pestes, plus elles deviennent résistantes, s'immunisent et attaquent. Il s'agit d'un cercle vicieux qui nous coûte une fortune."

C'est aussi une question d'état d'esprit selon un autre ; le lobby du chimique amène les fermiers à croire que sans leurs solutions, ils ne produiront pas : " Des agents vous approchent et initialement, vous proposent des échantillons gratuits. Vous constatez que les cultures poussent vite et en grande quantité. Donc vous voulez augmenter encore davantage votre productivité ; vous en rajoutez. Puis, vous devenez dépendant et pensez ne pas pouvoir vous en passer. "

Outre un écosystème affaiblit, le Punjab souffre une crise sanitaire. En plus d'être fermiers, le Dr. Sidhu et son épouse Kiran sont médecins et opèrent une clinique à Ludhiana, une ville à 30 kilomètres de là. " Le nombre de cas de cancers, de malformations à la naissances et d'infertilité est en hausse constante. " affirme la doctoresse. Plusieurs études locales (gouvernementales et privées) et étrangères ont établi un lien entre les problèmes de santé et la contamination par résidus chimiques de l'eau, l'air et la terre.

Mais le lobby chimique réfute obstinément ces résultats. En novembre, un symposium sur les pesticides et l'environnement était organisé par l'Université Agraire du Punjab, le département de l'Agriculture et le Agrochemicals Promotion Group qui représente quelques deux cents compagnies. D'après la couverture médiatique de l'événement, le but commun des interventions était de démontrer l'absence de rapport entre l'utilisation des produits chimiques et la détérioration de l'environnement et de la santé des Punjabi.

" Le problème, c'est que tout le réseau des acteurs impliqués dans l'agriculture, à commencer par le gouvernement et l'Université, sont corrompus par le lobby des produits chimiques. " explique le Dr. Sidhu. Les banques et les prêteurs suivent également la politique gouvernementale en faveur des méthodes chimiques. L'endettement représente un problème majeur au Punjab, et la source de nombreux suicides. " La majorité des emprunts sont liés aux produits agri chimiques " estime-t-il.

Au milieu de ce sombre tableau, une lueur d'espoir réside dans le transfert progressif vers une agriculture non chimique. Victime des mêmes problèmes que les autres, le Dr. Sidhu a décidé il y a un an de confronter les pestes plutôt que les effets secondaires des solutions chimiques. Ses cultures sont maintenant 100% organiques. Il assure qu'en deux saisons le transfert était fait. " La production est équivalente, la qualité des produits est nettement supérieure et mes coûts sont significativement moindre. "

Non seulement sa nourriture est plus riche en nutriments et ne contient pas de particules chimiques, mais au lieu de dépenser plus de 100 francs suisses (64,7 euros, ndlr) par hectare en pesticides et fertilisants chimiques, il en sort à peine une trentaine de sa poche pour concocter des recettes maison. Par exemple, son fertilisant est composé d'urine et de bouse de vache, de quelques kilogrammes de lentilles, d'une poignée de sable et d'eau. De surcroît, sur le marché, sa production organique va chercher des revenus supérieurs.
Peu à peu, le mot se propage dans le village que l'agriculture organique est non seulement viable, mais profitable. Au champ, le blé du voisin n'a pu résister aux dernières averses et tombe. " Avec toutes ces composantes chimiques, le système immunitaire des cultures s'affaiblit. " explique le Dr. Sidhu. Tandis qu'a côté, son blé organique est droit comme un "i". " Les gens voient mon blé et ils sont impressionnés ; ça les encourage à abandonner le chimique. "


le blé organique du Dr. Sidhu et des travailleurs journaliers.
Le blé organique du Dr. Sidhu et des travailleurs journaliers...
Photo © Andrée-Marie Dussault


Le blé du voisin, traité chimiquement, qui n'a pu résister aux dernières averses.
... et le blé du voisin, traité chimiquement, qui n'a pu résister aux dernières averses.
Photo © Andrée-Marie Dussault




L'industrie agrochimique en Inde

En février, l'industrie agrochimique réclamait auprès du gouvernement indien d'être traitée au même titre que l'industrie pharmaceutique, de façon à bénéficier des mêmes avantages fiscaux. A la tête du Agrochemicals Promotion Group, un lobby comptant plus de deux cents compagnies produisant des solutions agrochimiques, S. Kumarasamy plaidait également en faveur d'une exemption totale de la taxe sur les biens et services (Value Added Tax) afin que " les prix des pesticides puissent être diminués de 30% pour faire croître la consommation ". Il soulignait que la consommation moyenne des fermiers indiens est seulement de 0.48 kg par hectare, comparé à 10.7 kg au Japon et 17 kg à Taiwan. Il estimait que le nombre d'hectares en Inde recevant des pesticides pouvait potentiellement passer des 350 000 actuels à 550 000 hectares. De telle sorte que l'industrie des pesticides chimiques qui vaut actuellement un milliard de francs suisses (675 millions d'euros, ndlr), d'ici deux ou trois ans, pourrait atteindre les 2.5 milliards (1,686 milliard d'euros, ndlr).



Entrevue

La Direction du developpement et de la coopération suisse (DDC) promeut à travers le sous-continent plusieurs programmes d'agriculture 100% organique ou intégrant une quantité marginale de composantes chimiques. Elle travaille aussi au developpement des marchés pour les produits organiques et pour faciliter l'accès à la certification pour les fermiers. K. R. Viswanathan est chef d'équipe à la DDC.
Entretien.

L'usage excessif des pesticides chimiques dans l'agriculture est-il problématique en Inde ?
Une véritable attention est portée dans le pays sur leurs effets négatifs. Notamment depuis la médiatisation des résultats d'une étude qui a fait beaucoup de bruit sur les hauts taux de résidus chimiques présents dans les boissons gazeuses. Un autre exemple notoire est celui du Kérala où des pesticides utilisés dans la culture du cachou ont causé des difformités à la naissance. Cependant, il est important de considérer toutes ces questions sans passion. En Inde, l'agriculture est encore majoritairement traditionnelle. La plupart des régions irriguées, soit 22% du total des terres, sont traitées chimiquement, mais pour le reste, ce n'est pas le cas.

Les fermiers font-ils bon usage des pesticides ?
Parfois, les fermiers usent des pesticides sans discernement. Ils en utilisent toujours davantage, pensant que ça va régler tous leurs problèmes. Or, ces produits ne sont pas biodégradables et ils contaminent toute la chaîne alimentaire. Dans certains cas, des fermiers utilisent sur leurs récoltes des produits toxiques vendus sur le marché mais qui ne sont pas destinés à l'agriculture.

L'Inde est un marché potentiel important pour les pesticides chimiques ?
Le potentiel est important. L'Inde est le quatrième producteur de pesticides. Environ 50% du marché est contrôlé par une dizaine de multinationales ; Monsanto, Syngenta, BASF, Agrivo, etc. Le reste est occupé par des centaines de compagnies locales dont plusieurs produisent des versions génériques des formules des multinationales. Cela dit, en Inde, le scénario est mixte. A la fois, vous avez les grandes corporations qui arrivent et qui ont une approche agri business plus chimique. De l'autre côté, il y a une claire tendance à aller davantage vers une agriculture non chimique parce que les fermiers réalisent que leurs sols sont mal en point après plusieurs années de traitements chimiques.

L'agriculture organique est-elle une option viable en Inde ? A long terme, l'agriculture organique est viable. Seulement, au début, le rendement est plus bas ; ça peut prendre quelques saisons avant d'être intéressant. Les fermiers sont souvent guidés par leur portefeuille et une vision à court terme. Ils peuvent se décourager et abandonner l'organique pour retourner au chimique.





Référence de la première édition de cet article

Cet article a été publié dans l'édition du quotidien suisse La Liberté le 26 mai 2008.



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