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Discours de Sa Sainteté le Patriarche oecuménique Bartholoméos 1er, le vendredi 2 février 2007



Sa Sainteté le Patriarche oecuménique Bartholoméos 1er
Discours de Sa Sainteté le Patriarche oecuménique Bartholoméos 1er

Photo Présidence de la République
Monsieur le Président de la République,

C’est un grand honneur pour nous de prendre part à une si illustre assemblée et de participer à un débat sur la crise qui touche toutes les formes de vie de notre planète. Nous partageons entièrement les sentiments qui vous ont amené à organiser cette conférence. Comme vous, nous pensons que ce n’est pas seulement par des mesures techniques que l’on peut s’attaquer à la crise écologique. Le seul espoir pour l’avenir de l’humanité se trouve en effet dans l’émergence d’un nouveau sens de la responsabilité commune et du caractère collectif de la destinée des peuples de toutes races, de toutes religions, de toutes conditions économiques.

C’est précisément dans cet esprit que le Patriarcat œcuménique, une des institutions spirituelles les plus anciennes au monde, lance depuis plus de dix ans des initiatives dans le domaine de la protection de l’environnement, en vue de réconcilier les observations de la science et la sagesse de la religion. Nous avons notamment organisé six symposia sur le thème de l’eau. Ces conférences flottantes ont constitué des espaces de rencontre et d’impulsion commune pour les écologistes, les économistes, les décideurs politiques, les journalistes, les représentants religieux et les citoyens ordinaires. À ce jour, nous avons organisé des symposia sur la mer Égée, la mer Noire, le Danube, la mer Adriatique, la Baltique et l’Amazone.

En naviguant sur ces eaux écologiquement sensibles, nous avons témoigné d’une vérité simple : en tant qu’êtres humains, nous nous trouvons tous sur le même navire.

Dans toutes les grandes religions du monde, l’eau est considérée comme un symbole de la grâce de Dieu. Les trois religions monothéistes – le judaïsme, le christianisme et l’Islam – ont vu le jour dans une partie du monde où l’eau est peu abondante. Il leur est donc naturel de décrire le besoin qu’éprouve l’âme humaine de trouver Dieu comme la « soif » d’une chose désespérément nécessaire. En tant que chrétiens orthodoxes, nous croyons que, lorsque Notre Seigneur a été baptisé dans les eaux du Jourdain, toutes les eaux de la terre ont été bénies et, par extension, le monde matériel dans son ensemble. Les derniers versets du Nouveau Testament parlent, pour évoquer le rétablissement du paradis, d’une eau pure et limpide s’écoulant du trône de Dieu.

Si l’eau propre est un miroir de la divinité, l’état actuel des mers, des fleuves et des lacs du monde est le reflet d’une condition beaucoup plus sombre.
En tant que chrétiens orthodoxes, nous sommes convaincus que l’existence de l’homme est à la fois matérielle et spirituelle, qu’il possède un corps physique aussi bien qu’une âme qui aspire à être unie à Dieu. À notre avis, l’un des grands problèmes du monde moderne réside dans l’idée que l’homme peut se dissocier de la nature et du monde matériel.

Les peuples dits primitifs voient très clairement – beaucoup plus clairement que nombre d’érudits – ce qui nous relie à la nature dans son ensemble ainsi qu’aux générations passées et futures. Ils comprennent parfaitement que nous n’avons pas hérité la terre de nos ancêtres, mais que nous l’avons empruntée à nos enfants.

Bien que ces dangers aient des conséquences capitales pour tous les êtres humains, les effets des changements climatiques seront à n’en pas douter particulièrement dramatiques pour les plus pauvres et les plus vulnérables d’entre nous.

En effet, la préoccupation de l’état de la création de Dieu ne constitue pas, pour les hommes de religion qui ont un impact capital dans le façonnement des perceptions du monde et des valeurs, un problème qui ne serait qu’accessoire. Toutes les personnes dotées d’une autorité spirituelle et morale, quelle qu’elle soit, ont pour obligation absolue d’attirer l’attention sur la crise écologique qui menace l’humanité.

Dans un monde qui semble dominé par des valeurs exclusivement matérielles, de plus en plus des gens ordinaires comprennent que nous vivons à une époque de désordres aussi bien spirituels que physiques. Ils attendent de nous que nous leur montrions l’issue de cette crise. S’ils ne répondent pas à cette soif spirituelle intense, les chefs religieux échoueront dans leur mission.

Lorsqu’elle est présente de façon mesurée au bon endroit, l’eau constitue un symbole de la grâce de Dieu dans les Écritures. Á l’inverse, un excès d’eau y est également employé comme image du jugement divin. Les juifs, les chrétiens et les musulmans se souviennent tous de l’histoire du déluge, causé par l’arrogance humaine, et de Noé, l’homme qui fut assez vertueux pour y survivre. Le livre de la Genèse évoque l’alliance de Dieu avec l’humanité et la promesse qu’Il a faite que la vie sur terre ne serait plus détruite par des inondations.

Dieu ne rompra pas Son alliance éternelle, mais il est possible que l’homme en anéantisse les effets. En d’autres termes, l’égoïsme humain pourrait bien détruire le fragile tissu de rapports qui relient le Créateur, les hommes et l’ensemble de la création. Nous estimons avoir la grave responsabilité de prévenir l’humanité de ce terrible risque.

Si le Patriarcat Œcuménique essaie de rassembler les scientifiques, les décideurs politiques et les représentants religieux, c’est parce qu’il est profondément convaincu que le désastre auquel nous nous trouvons maintenant confrontés ne pourra pas être évité par de simples mesures pratiques, non plus que par la seule réflexion théologique.

De notre côté, en tant que gardiens d’une tradition spirituelle séculaire, nous nous engageons à prier pour la planète, comme de nombreux chefs religieux espèrent pouvoir le faire dans l’Arctique cet été. Nous accomplirons tout notre possible pour toucher les cœurs humains et encourager chaque personne à marcher de façon plus humble et plus respectueuse sur la terre, à se souvenir de sa responsabilité envers les générations futures et à traiter la terre et ses eaux comme un don suprême de Dieu.

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