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Banque mondiale : John Briscoe s'exprime sur les enjeux lancinants concernant l'or bleu

mise en ligne en octobre 2005






Andrée-Marie Dussault, à Delhi




Pas moins de 16% de l'argent prêté par la Banque mondiale était alloué aux questions relatives à l'eau cette dernière décennie. Un pourcentage qui avec la diminution des ressources en eau douce et la croissance démographique, on s'en doute, ne risque que d'augmenter. Grand manitou du secteur de l'eau à l'échelle internationale pour la Banque, auteur du rapport controversé sur les stratégies de l'institution financière internationale en matière d'eau publié l'an dernier et ingénieur en ressources hydrauliques, John Briscoe s'exprime depuis son bureau de New Delhi sur les enjeux lancinants concernant l'or bleu. Interview.



En deux mots, en quoi consiste la stratégie de la Banque mondiale concernant l'eau ; celle-ci risque-t-elle de changer sous la nouvelle présidence de Paul Wolfowitz et pourquoi votre publication a-t-elle créé tant de remous ?


John Briscoe, spécialiste de l'eau pour la Banque mondiale.
Photo © Andrée-Marie Dussault

La stratégie de la Banque vise à aider les pays en développement à construire les infrastructures nécessaires pour la croissance économique et à les assister dans la bonification de leur gestion des ressources en eau et des services liés à l'eau. Celle-ci ne changera pas sous la présidence de Paul Wolfowitz. Cette dernière décennie, la Banque s'est progressivement retirée du financement de mégas projets relatifs à l'eau, sous la pression d'ONGs. Le récent rapport de la Banque sur sa stratégie l'engage à s'impliquer à nouveau dans des projets d'infrastructures majeurs, avec le fort soutien des emprunteurs et du secteur privé. Les ONGs sont fermement opposées à ce réengagement présenté dans le rapport et plusieurs gouvernements du Nord sont ambivalents.


Que pensez-vous du mouvement animé par des personnalités telles Vandana Shiva ou Maude Barlow qui dénonce la privatisation de l'eau par les multinationales ?

Je pense qu'il est à côté de la plaque et occulte les véritables enjeux concernant l'eau au XXIème siècle. Vandana Shiva vit de ses bouquins et de ses tournées en Europe; la critique des multinationales est son fond de commerce. A mon avis, elle vit dans un monde fantasmagorique. D'autre part, je trouve que c'est facile pour des Occidentaux bien installés dans leur confort de dénoncer la privatisation de l'eau. Si j'étais Indiens, je serais bien heureux de voir débarquer la Lyonnaise des eaux chez moi puisque le secteur public local n'assure pas sa mission. Le secteur privé exerce une saine pression sur le public. Regardez aux Etats-Unis ; 80% de l'eau est gérée par le public. La qualité, la distribution, la gestion et sa transparence sont devenues très bonnes à cause de la compétition du secteur privé.


Quels sont selon vous les enjeux majeurs liés à l'eau aujourd'hui ?

Un des principaux problèmes actuels en ce qui a trait à l'eau au niveau planétaire, et qui est particulièrement aigu ici en Inde dans les régions arides, auquel on accorde trop peu d'attention et qui n'a rien à voir avec les multinationales, est le fait que depuis une trentaine d'années, l'on pompe l'eau du sol de facon excessive. L'eau de surface est devenue tellement polluée qu'il faut soit la filtrer plusieurs fois avant de pouvoir s'en servir ou encore, acheter de l'eau embouteillée. Pour régler le problème, en région et en ville, les gens ont commencé à pomper l'eau de la nappe phréatique. De telle sorte que dans environ 20% des endroits en Inde, les aquifères sont surexploités, essentiellement pour répondre aux besoins de l'agriculture. A Delhi, le niveau de l'eau descend d'un mètre par année. C'est très inquiétant. Ici le problème en est un de non-propriété ; d'absence de régulation et d'anarchie totale. Tant qu'il y a de l'eau, ca va. Mais bientôt, il n'y en aura plus.


Quand est-il de la pollution industrielle ; avec la croissance illimitée comme paradigme du capitalisme, celle-ci ne risque-t-elle pas de prendre des proportions ingérables ?

Quelle est la région la plus polluée au monde ? L'ex-Union soviétique. Je pense que le capitalisme est plutôt bon pour l'environnement. Cela dit, la pollution industrielle est effectivement un problème de taille qui prend de plus en plus d'importance et qui est multiple ; l'on ne peut pas mettre dans le même panier l'industrie de la tannerie et celles de produits chimiques, par exemple. Le problème en Inde, comme dans plusieurs pays en développement, c'est que l'Etat est très faible et qu'il y a beaucoup de corruption. Mais les choses changent. Si vous regardez trois décennies en arrière, vous constaterez que d'énormes progrès ont été accomplis ; des mesures concrètes ont été adoptées. C'est un gros pays, les choses bougent lentement. Avec le développement économique et l'amélioration des conditions de vie, la situation risque de s'améliorer. Prenez le Brésil d'il y a trente ans, la pollution était nettement plus importante qu'aujourd'hui. Avec les progrès économiques, la pollution industrielle a diminué. Quand vous êtes très pauvre et que votre préoccupation principale c'est de manger, la pollution du Yamuna (ndrl : le fleuve qui alimente Delhi), c'est le cadet de vos soucis. En revanche, la conscience environnementale se développe avec l'émergence d'une classe moyenne. C'est ce qui c'est passé au Brésil et c'est ce qui va certainement se produire ici.


Que pensez-vous du concept controversé de liaisons des fleuves ?

Je pense qu'il a beaucoup de sens et que dans plusieurs cas, la liaison de bassins est indispensable. Lorsqu'il y a des régions qui souffrent de sécheresse et que d'autres, à côté, connaissent des inondations, l'interconnexion de fleuves ou leur réorientation me paraît la solution la plus appropriée. L'Inde le fait depuis longtemps et avec succès. Plusieurs pays secs, comme l'Espagne ou l'Australie, ne pourraient simplement pas survivre sans le transfert d'eau. Mon pays, l'Afrique du Sud, vit à 50% grâce à la liaison de cours d'eau. L'important avant d'entreprendre quoi que ce soit, c'est de s'assurer que sur les plans environnemental, social et financier, le projet soit sensé. Ensuite, il s'agit de faire en sorte que les deux régions - celle qui " donne " l'eau et celle qui la " recoit " - soient d'accord sur les termes du contrat.


L'eau doit-elle être considérée comme un droit humain ou un bien marchand ?

Les deux à la fois. Les Nations-Unies considèrent le logement, la nourriture, les vêtements etc. comme des besoins fondamentaux. Cela ne veut pas dire pour autant que ces biens doivent être gratuits. Je suis totalement en désaccord avec l'idée selon laquelle l'eau devrait être gratuite. Si elle est gratuite, elle fait partie d'une économie informelle, où elle n'est pas disponible pour tous, où d'ailleurs les pauvres la paient beaucoup plus cher que les riches et de surcroît, elle est largement gaspillée. Je suis en faveur d'une eau de qualité, à un prix raisonnable, bien gérée et qui soit accessible à tous.


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