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Pollution industrielle du fleuve Periyar


Quand les criminels commencent à trembler...

par Andrée-Marie Dussault

depuis Kochi, Kerala
mise en ligne en février 2005



Le 16 mars prochain, sous les projecteurs du monde entier, la Cour Suprême de l'Inde décidera du sort des 247 industries de l'île d'Eloor qui ont tué le Periyar. Jadis la " ligne de vie " du sud de l'Inde, le plus grand fleuve du sud du pays est aujourd'hui converti en poubelle industrielle illégale présent parmi les top trois sites les plus pollués du palmarès indien. Il aura fallu attendre 30 ans et un désastre socioécologique pour que les pollueurs envisagent de remettre en cause leurs pratiques mortifères. Un virage propre est-il possible ?



Andrée-Marie Dussault
Andrée-Marie Dussault, d'origine québécoise, a passé six ans à Genève où elle a fait des études en développement et en journalisme, après une licence en sociologie à Montréal. Elle a été pendant cinq ans rédactrice en chef de la revue L'Emilie (www.lemilie.org).
Installée en Inde, à Kochi (état du Kerala au sud-ouest de l'Inde), depuis la mi-2004, elle y exerce sa profession de journaliste dans le domaine de l'environnement.
Contact: amdussault@pingnet.ch
Lorsque l'on arrive sur les berges de l'île d'Eloor située à peine à 17 kilomètres de Kochi, la métropole de l'état indien du Kérala, on est pris d'un drôle de sentiment. Cet endroit a tout d'un petit paradis, mais pourtant, une brise mortifère plane sur ce bout de terre d'à peine 12 kilomètres carrés. Est-ce les cocotiers qui ne produisent plus de fruits, ou le fait que des 140 espèces de poissons vivantes il y a trente ans, il n'en reste qu'une petite vingtaine, ou encore, est-ce le caractère multicolore du fleuve qui transmet cet étrange malaise ? Toutes ces réponses. Car depuis cinq décennies, près de 250 usines ceinturent la région d'Eloor, faisant d'elle la plus grosse concentration industrielle de l'état.

L'intérêt de ces entreprises ? L'accès à l'eau du Periyar, le plus long fleuve du Kérala avec ses 244 kilomètres, jadis surnommé la " ligne de vie " du sud de l'état. L'accès à l'eau pour ? Pour assurer leur fonctionnement certes, mais aussi pour déverser leurs déchets toxiques. Et lorsque l'on parle de déchets toxiques, il ne s'agit pas d'œufs pourris, puisque les unités industrielles dont il est ici question sont spécialisées dans la production de pesticides, de fertilisants et autres produits chimiques et pétrochimiques. Le problème, c'est que 3.5 millions de personnes dépendent directement de cette eau pour vivre...


Un tournant potentiel

l'eau du Periyar

l'eau du Periyar, campagne sauvage

Cliquez sur les photos pour les agrandir.
La pollution industrielle du Periyar ne date pas d'hier puisque depuis trente ans, les résidents s'en plaignent. La nouveauté aujourd'hui, c'est que les pollueurs se sentent menacés et commencent à se mobiliser pour freiner leurs activités polluantes. Récemment encore, réunis à Kochi, plusieurs hauts représentants du monde corporatif à la tête d'industries logées sur l'île d'Eloor affirmaient, sans rire cette fois, " qu'obéir à la loi est leur principal objectif ". On se doute que cela n'a pas toujours été le cas puisque Eloor fait aujourd'hui partie des top trois sites les plus pollués du palmarès indien et à l'échelle internationale, l'île occupe le trente-cinquième rang des toxic hot spots.

Pour mémoire, rappelons les grandes lignes des derniers développements de ce triste dossier. En 1995, suite à une énième plainte liée à la pollution industrielle, la Cour Suprême ordonne aux entreprises du pays travaillant avec des produits toxiques ne disposant pas de technologies et d'équipements conformes aux exigences du Hazardous Waste Act de 1989, de fermer boutique sur le champ. Personne ne bouge. Quatre ans plus tard, après de multiples plaintes et quelques autres tentatives infructueuses de la Cour Suprême de contrôler la situation, Greenpeace India arrive à Eloor avec son matériel pour prélever des échantillons du Periyar et en analyser le contenu. L'ONG révèle le degré particulièrement élevé de déchets hautement néfastes dans le fleuve en démontrant que " l'eau contient 111 produits chimiques toxiques, dont des métaux lourds comme le mercure, le cadmium et le zinc, du D.D.T.(1) et une cinquantaine de substances impossibles à identifier."

Au moment de sa parution, le rapport de Greenpeace est largement diffusé auprès des instances gouvernementales, étatique et nationale, des médias et bien sûr, des usines mises en cause. Cependant, aucune mesure concrète n'est prise par les autorités, ni par les entreprises responsables, pour mettre un terme à la contamination du fleuve. De telle sorte qu'en 2002, lorsque l'ONG écologiste revient avec son kit de détection de la pollution pour faire le suivi de son rapport initial, la situation ne s'est pas améliorée d'un iota. Au contraire, la pollution de l'eau s'étend aux sources et aux criques environnantes.


"2553% fois plus d'ulcères d'estomac"

Parallèlement, Greenpeace mène une enquête sanitaire épidémiologique examinant l'impact de la pollution sur la santé d'environ 10 000 villageois d'Eloor. Les conclusions sont inquiétantes : par rapport aux habitants du village de Pindimana, faisant partie du même district et possédant des caractéristiques similaires, mais ne jouxtant pas le fleuve, les résidents d'Eloor subissent l'incidence d'une multitude de maladies respiratoires, dermatologiques et mentales de deux à cinq fois plus élevée. A titre d'exemples, ils souffrent " 2553% fois plus d'ulcères d'estomac, 379% plus d'anomalies à la naissance, 430% plus de rhumatismes, 485% plus de dépression, 230% plus de migraines ". En plus du fait que près de neuf habitants sur dix n'ont plus accès à leur eau de puits à cause de la contamination de l'eau souterraine.

En octobre 2003, décidée à prendre une fois pour toute le taureau par les cornes, la Cour Suprême constitue le Supreme Court Monitoring Committee (SCMC) pour gérer le problème que représentent les entreprises polluantes d'Eloor, lui conférant un pouvoir absolu. Celui-ci constate rapidement que le Periyar est devenu un " dépotoir industriel illégal pour le traitement et le stockage d'effluents dangereux ". Il critique vertement le département de la santé kéralais ainsi que le secrétaire du Comité de contrôle de la pollution industrielle (CCPI) pour avoir volontairement fermé les yeux sur les activités polluantes des usines qui s'y sont installées sans obstacle aucun, sinon le versement discret d'une somme X. Car oui, un organe de contrôle de la pollution existait bel et bien à Eloor, depuis 1971. Suite à un désastre écologique survenu à l'époque, l'Etat avait mis sur pied le CCPI, censé octroyer les autorisations d'installation, tout en exigeant des comptes des usines désirant s'établir à Eloor quant au type de technologies utilisées, la gestion et le traitement de leurs déchets. En vain.


Profession : gardien du Periyar

"D'abord, ils vous ignorent, ensuite ils rient de vous, puis, ils vous combattent, et enfin, vous gagnez.(3)" Tels sont les mots de Gandhi accrochés au mur du salon de V. J. Jose qui est, depuis novembre 2002, le premier gardien de fleuve mandaté par Greenpeace en Asie. Avant de travailler en collaboration avec l'organisation écologiste, V. J. Jose a fait cavalier seul pendant plusieurs années, bravant les critiques, voire les menaces des habitants d'Eloor - dont 60% sont employés par les usines polluantes - et des puissants syndicats qui jouissent de la protection des politiques.

Le travail d'activisme de V. J. Jose en faveur du fleuve Periyar et de la communauté d'Eloor commence en 1984. A l'époque, en indépendant, il fait signer une pétition aux habitants du village contre la pollution produite par les usines installées au bord du fleuve. Résultat : aucun. Puis, avec l'arrivée de Greenpeace sur les lieux en1999, V. J. Jose commence à étudier les composantes de l'eau et avec son propre matériel, sur une base hebdomadaire, il analyse des échantillons du fleuve dont il transmet régulièrement les résultats au gouvernement kéralais. Sans feed-back aucun.

Cela dit, le gardien du Periyar n'est pas contre le développement, ni même contre la croissance industrielle, c'est juste que les usines et les manufactures voisines emploient une technologie obsolète, datant de la Deuxième guerre mondiale et déversent leurs eaux usées, sans traitement préalable, dans le fleuve qui, avant leur arrivée, desservaient toute la communauté locale en eau pour boire. Le rêve de V. J. Jose ? Qu'un transfert vers une utilisation de technologies propres s'effectue, rapidement. L'obstacle principal invoqué par les chefs d'usines est le coût que représenterait un tel changement. Pourtant, V. J. Jose est convaincu qu'" en quatre ou cinq ans, les entreprises entreraient dans leurs frais ; ils créeraient des emplois et éventuellement, augmenteraient même leur productivité". Alors ?
Technologies obsolètes

Choqué par le caractère obsolète des technologies et des produits utilisés, le SCMC ordonne au gouvernement kéralais et au CCPI, sous peine de sanction, de fermer toutes les unités industrielles n'obéissant pas à la loi de 1989 et à la Convention de Bâle, signée en mars 1999, obligeant le pays à réduire sa production de déchets toxiques et leur degré de toxicité(2) et de les autoriser à rouvrir seulement une fois conformes à la législation. Enfin, suivant le principe du " pollueur-payeur ", le SCMC colle une lourde amende collective de 25 millions de roupies, soit quelques 450 mille euros, à l'ensemble des industries de la région, qui doit être utilisée pour restaurer la santé du fleuve. Enfin, le SCMC recommande à la Cour Surpême la mise sur pied d'un Comité local, constitué d'experts, d'environnementalistes, d'industriels, de membres du CCPI et de gens de la communauté locale, chargé de faire l'audit des 247 usines de l'île.


Suer à grosses gouttes

C'est donc dans ce contexte que le CCPI, qui n'a pas remué le petit doigt en 30 ans, décide d'exiger un bon matin d'octobre dernier la fermeture de 32 unités industrielles, d'un coup ! A ce moment-là, les responsables de la catastrophe du Periyar commencent à suer, à grosses gouttes. Pris de panique, ils demandent et obtiennent, avec le gouvernement kéralais, un délai de quelques mois pour se conformer aux normes environnementales à la plus haute instance juridique de l'Etat, le High Court. Avec le gouvernement car, étonnamment, ces industries sont pour la plupart des propriétés des gouvernements national et étatique - qui, pour certaines, non contentes de tuer l'écosystème, sont largement déficitaires et perdent des deniers publics en dizaines de milliers d'euros...

L'audit des 247 industries d'Eloor par le Comité local est présentement en cours depuis octobre et un rapport - qui ne sera pas rendu public - sera remis à la Cour Suprême qui rendra un jugement final quant au sort des entreprises polluantes d'Eloor le 16 mars prochain. Le premier ministre kéralais, Oommen Chandy, a promis à la population la fermeture de toutes les usines ne respectant pas la loi à cette date butoir. Au niveau international, des médias du monde entier, tels CNN, la BBC et de nombreux quotidiens occidentaux, sont passés par Eloor ces mois, attirés par la perspective d'un tournant radical dans ce dossier explosif. La pression est devenue telle que pour la première fois, certaines entreprises ont commencé à prendre des mesures pour se soumettre à la loi. Rendez-vous donc le 16 mars prochain. En gardant à l'esprit qu'il y a loin de la coupe aux lèvres.



Notes

1 - La production -mais non l'utilisation- de pesticides à base de D.D.T. est interdite dans l'ensemble des pays depuis une dizaine d'année ; à Eloor, ces pesticides sont produits pour être exportés.

2 - Le High Power Committee créé par la Cour Suprême estime que chaque jour, près de 12 000 tonnes de déchets toxiques sont générées en Inde.

3 - Traduit librement de l'anglais " First they ignore you, then they laugh at you, then they fight you and then, you win ".

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