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FRANCE
COMMUNIQUE DE PRESSE

du Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Paris, le 2 novembre 1998

Logo Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Intervention de Dominique VOYNET
en clôture du colloque "eau, milieux aquatiques et actions publiques"
(40° anniversaire de TOS -association Truite, Ombre, Saumon-)


Mesdames, Messieurs, chers amis,

C’est avec beaucoup de plaisir que j’ai accepté l’invitation de TOS à venir clôturer le colloque organisé pour le 40e anniversaire de cette association. Tout d’abord, parce que TOS a beaucoup contribué à la protection des rivières et des milieux aquatiques. 40 ans d’action résolue pour faire respecter le droit de l’eau et pour combattre les pollueurs et les destructeurs des rivières, ça mérite un grand coup de chapeau. Je suis heureuse de pouvoir féliciter aujourd’hui tous vos militants pour cette action.

En outre, le thème de votre colloque vient en pleine actualité : vous avez choisi de travailler aujourd’hui sur " l’action publique dans le domaine de l’eau et les milieux aquatiques ". Or, j’ai présenté en conseil des ministres, le 20 mai dernier, les grands axes de la réforme des instruments d’intervention publique dans ce domaine.

La mise en œuvre de cette réforme est en cours. Cet important chantier est cependant actuellement un peu occulté par le vif débat qui agite le monde de l’eau sur la TGAP. Il me paraît essentiel de replacer ce débat dans le cadre général de la réforme que je souhaite mener. Je vais vous en présenter les principes et le degré d’avancement.

Dans le domaine de l’eau, il me semble que la demande de nos concitoyens peut se regrouper en deux grands thèmes. Premièrement, reconquérir une eau et des milieux aquatiques de qualité ; deuxièmement, améliorer la transparence et l’équité du secteur de l’eau.

En matière de qualité, le constat que nous pouvons faire aujourd’hui est mitigé. La qualité des grands cours d’eau a tendance à s’améliorer, parce que les principales sources de pollution ponctuelle en provenance des grandes agglomérations et industries sont désormais en grande partie traitées. De même, le recalibrage des cours d’eau et leur transformation en " fossés anti-chars " sont assez largement passés de mode, même si l’excès de zèle d’aménageurs locaux conduit encore, çà et là, à la destruction d’importants tronçons de rivière.

Mais à côté de ces progrès indéniables, force est de constater que 48 % des cours d’eau ne satisfont pas encore à leur objectif de qualité. De même, l’IFEN vient de me remettre un rapport qui fait état de la présence générale de pesticides dans les rivières et dans les nappes.

Par exemple, en 1995, l’eau distribuée à 5 millions d’habitants de notre pays a dépassé les normes de potabilité pour l’atrazine. D’une manière générale, en amont des bassins versants, la qualité des petits cours d’eau, situés le plus souvent en zone rurale, ne s’améliore pas, et régresse même par endroit.

C’est pourquoi ma première priorité d’action est de parvenir à une meilleure et plus complète application du principe pollueur-payeur. Les pollutions diffuses en zone rurale sont actuellement les moins bien traitées, et sont à l’origine de la stagnation de la qualité du chevelu hydrographique d’amont ; en conséquence, l’application du principe pollueur-payeur aux pollutions agricoles me paraît prioritaire.

Un groupe de travail a été constitué, associant les représentants des agriculteurs, des protecteurs de l’environnement et des consommateurs, ainsi que les différents ministères concernés, pour étudier la pertinence et la faisabilité d’un régime d’éco-taxe sur les engrais et les pesticides. Il doit me rendre ses conclusions avant la fin de cette année.

De même, jusqu’à présent, le principe pollueur-payeur ne s’applique pas aux aménagements et artificialisations qui modifient le régime des eaux, et sont ainsi susceptibles d’aggraver les inondations. Le principe d’une taxation de ces aménagements a été retenu par le gouvernement. Les modalités sont en cours de négociation, et le décret paraîtra l’année prochaine.

Sont concernés l’extraction de matériaux dans le lit majeur des cours d’eau et les nappes alluviales, l’imperméabilisation de surfaces importantes, les ouvrages dans les rivières qui modifient leur régime hydraulique, et enfin la réduction de la surface des zones naturellement inondables.

Plus généralement, le système des redevances des agences de l’eau doit permettre d’appliquer de manière plus complète ce principe pollueur-payeur. C’est un des objectifs fondamentaux de la création de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). En 1999, cette taxe ne concernera que les redevances perçues par l’ADEME, mais elle a vocation à s’appliquer au domaine de l’eau.

En effet, le montant des redevances des agences de l’eau était jusqu’à présent essentiellement déterminé par les besoins de financement des politiques de dépollution. C’est un système mutualiste, qui a fait ses preuves en permettant de financer d’importants programmes d’assainissement et de gestion de la ressource en eau, mais qui s’est avéré insuffisant pour dissuader réellement les comportements polluants.

L’application de la TGAP au domaine de l’eau doit permettre de faire mieux en la matière, sans remettre en cause le système des agences de l’eau et des comités de bassin. Ce système est en effet exemplaire, et il est d’ailleurs repris par des pays étrangers de plus en plus nombreux. Cette extension de la TGAP fait actuellement l’objet d’une vaste concertation entre tous les acteurs du monde de l’eau. Je souhaite que cette concertation puisse déboucher sur un consensus aussi large que possible, qui pourrait être intégré dans la loi de finances 2000.

En permettant une meilleure application du principe pollueur-payeur, ces actions visent à une amélioration de la qualité de l’eau et des milieux aquatiques.

Ma deuxième priorité est d’améliorer la transparence et la démocratie du secteur de l’eau.

Les conditions de fonctionnement des services publics de l’eau et de l’assainissement ont été très critiquées ces dernières années, et trop d’affaires ont éclaté dans ce domaine. C’est pour rétablir la transparence que j’ai souhaité créer un " comité des sages " : le Haut Conseil du service public de l’eau et de l’assainissement.

Constitué de personnalités indépendantes reconnues pour leur compétence dans le domaine, ce conseil permettra de renforcer la capacité d’expertise de l’Etat et des collectivités locales. Il aidera les élus locaux et les associations à accéder aux connaissances techniques et financières en matière de gestion de l’eau et de l’assainissement.

Il s’agira d’une structure de consultation, de veille et d’alerte, qui rendra des avis publics et permettra, si nécessaire, la saisine des chambres régionales des comptes et des tribunaux. Le projet de décret créant ce Haut Conseil sera adressé au Conseil d’Etat à la fin de cette année.

La réforme des institutions de bassin participe de ce même objectif de transparence et de démocratie. Les programmes des agences de l’eau représentent 10 milliards de francs par an. Ces sommes considérables sont gérées sans aucun contrôle du Parlement, ce qui est tout à fait incompatible avec l’organisation de nos institutions, en particulier la Constitution, qui leur sert de base.

Une loi de programmation quinquennale approuvera les programmes d’intervention des agences de l’eau à partir de 2002, définira les assiettes de leur redevance et en encadrera le taux. Ainsi, d’une part le dispositif sera rendu constitutionnel ; d’autre part, et surtout, il sera rendu plus lisible par les citoyens et leurs représentants que sont les parlementaires.

Bien évidemment, il ne s’agit pas de supprimer les comités de bassin ni les conseils d’administration des agences. Je souhaite bien au contraire les élargir davantage aux représentants du monde associatif, afin que ces instances originales jouent mieux leur rôle de concertation entre tous les acteurs concernés. Elles continueront à avoir une mission essentielle : le pilotage et la mise en œuvre des politiques d’intervention publique.

C’est ainsi par exemple que les comités de bassin ont coordonné l’élaboration des Schémas Directeurs d'Aménagement et de Gestion de l'Eau (SDAGE), et je salue la qualité du travail accompli à cette occasion. Je souhaite renforcer cette mission : par exemple, j’ai demandé à mes services de travailler à une révision du plan Loire ; je souhaite que la commission Loire du comité de bassin joue pleinement son rôle dans cette révision.

Meilleure mise en œuvre du principe pollueur-payeur pour une reconquête de la qualité de l’eau, plus grande transparence et démocratie dans le petit monde de l’eau, pour que ces politiques soient crédibles, il faut un Etat et une action publique efficaces. C’est un sujet qui vous tient à cœur, et qui a été au centre de vos travaux aujourd’hui. Je le considère également comme tout à fait prioritaire.

En matière législative et réglementaire, la modernisation du droit de l’environnement est aujourd’hui nécessaire, pour en faciliter l’accès aux citoyens et en améliorer l’application. Le projet de codification à droit constant, aujourd’hui déposé à l’Assemblée Nationale, n’est qu’une première étape dans cette perspective. Il permettra de capitaliser l’acquis des pionniers du droit de l’environnement qui, à partir des années 1970, ont su répondre à une attente sociale de plus en plus forte.

C’est surtout une invitation à poursuivre leur travail, pour transformer un ensemble de règles encore disparates en un véritable projet de démocratie et de développement durable. Cette ambition devra trouver une première traduction dans deux chantiers majeurs dont j’ai annoncé l’ouverture : la réforme des procédures d’utilité publique, qui ne sera pas, loin s’en faut, sans répercussion sur le secteur de l’eau, et la transparence dans le domaine du nucléaire.

Pour une action publique crédible, il faut des textes cohérents, il faut aussi une police de l’eau efficace. D’ores et déjà, les moyens consacrés à cette police vont être nettement augmentés : 140 MF supplémentaires seront attribués par les agences de l’eau au financement d’actions d’acquisition de connaissance, et au fonctionnement des services de police de l’eau. Par ailleurs, 28 postes supplémentaires de gardes-pêche seront créés.

De même, les conditions d’intervention des gardes-pêche seront clarifiées par une convention entre l’Etat, les fédérations de pêche et le Conseil Supérieur de la Pêche. Les gardes-pêche interviendront ainsi dans le domaine de la police de l’eau, sous l’autorité fonctionnelle des responsables des missions inter-services de l’eau (MISE).

Je sais que le monde associatif souhaite qu’on aille plus loin, vers des corps spécifiques de l’environnement et des services autonomes. Sur la question des corps et des statuts, j’ai ouvert d’important chantiers, qui s’étaleront sur plusieurs années. À court terme, un recrutement exceptionnel de spécialistes de l’environnement dans les corps d’ingénieurs concernera une vingtaine de postes dès 1999.

Parallèlement, j’ai lancé une mission de réflexion sur la faisabilité et la viabilité de corps propres à l’environnement. Un projet consistant à réunir les gardes-chasse et les gardes-pêche dans deux statuts uniques de fonctionnaires (catégories B et C) est à l’étude ; ces deux corps pourraient être élargis à des spécialistes exerçant en DIREN, à l’IFEN, etc.

En ce qui concerne l’organisation des services, 9 postes seront créés l’an prochain en DIREN, et seront affectés, de manière expérimentale, auprès de préfets de département volontaires pour prendre la responsabilité de missions inter-services de l’eau. C’est un premier pas pour que ces MISE affirment leur autonomie, en particulier par rapport aux missions d’ingénierie publique.

Vous le voyez, les réformes que j’ai ouvertes dans le domaine de l’eau sont d’envergure et ne se résument pas, loin s’en faut, à la TGAP. Pour les mener à bien, j’aurais besoin, plus que jamais, de votre appui et du rôle irremplaçable d’aiguillon que vous avez si bien joué depuis 40 ans. Je vous en remercie à l’avance, et vous souhaite bon courage pour votre action militante au plus près du terrain, afin que nos rivières retrouvent la qualité qu’elles méritent.

Je vous remercie de votre attention.

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