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Communiqué de presse

Paris, le 17 mai 2000

De la chaîne au réseau trophique : le rôle fonctionnel de la biodiversité


Comment contrôler le développement excessif des algues planctoniques dû à la pollution des eaux par excès de phosphates ou de nitrates ? S'ils ne veulent pas avoir recours à la méthode empirique, plus ou moins hasardeuse, les scientifiques ont besoin de modèles leur permettant de modéliser le fonctionnement des écosystèmes et de prédire les effets de l'enrichissement nutritif du milieu. Jusqu'à présent, les modèles mathématiques utilisés considéraient les écosystèmes comme une chaîne linéaire de niveaux trophiques homogènes : les producteurs primaires, les herbivores et les carnivores. Or de tels modèles ne permettent pas de faire de bonnes prédictions. Le modèle théorique publié dans la revue Nature du 18 mai 2000 par une équipe du laboratoire "Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques" (CNRS - Université Paris 6 - Ecole normale supérieure)* introduit dans chaque niveau trophique une répartition des espèces selon leur taille et leur régime alimentaire. Ce modèle a permis une bonne prédiction des résultats obtenus sur le site expérimental du lac de Créteil et met l'accent sur le rôle fonctionnel de la biodiversité.

Jusqu'à présent, les écosystèmes étaient souvent considérés comme une succession - une chaîne - de niveaux trophiques homogènes : les producteurs primaires, les herbivores et les carnivores. Toutefois, ce modèle linéaire ne permet généralement pas de prédire correctement le fonctionnement des écosystèmes. Des chercheurs du laboratoire "Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques" ont élaboré un modèle en réseau en introduisant un à trois groupes fonctionnels par niveau trophique, et ils ont confrontés les prédictions permises par ce modèle aux résultats obtenus dans le site expérimental du lac de Créteil (Val de Marne). Les groupes fonctionnels rassemblent, selon leur régime alimentaire et leur vulnérabilité à la prédation, les espèces présentes dans le dispositif expérimental. Un tel modèle théorique est dit de complexité intermédiaire car, bien qu'il ne décrive pas chacune des espèces présentes, ce qui conduirait à un modèle beaucoup trop complexe pour être exploité, il tient compte de leur diversité fonctionnelle.

L'expérience a consisté à manipuler sur place les apports en nutriments (azote et phosphore) dans des enceintes remplies de l'eau du lac et contenant du plancton et, pour certaines d'entre elles, des juvéniles de poissons. Alors que la comparaison des résultats expérimentaux aux prédictions du modèle classique linéaire fait ressortir de nombreuses discordances, leur confrontation aux prédictions du modèle de complexité intermédiaire montre une bonne adéquation entre résultats expérimentaux et prédictions théoriques. Ce modèle fait ainsi apparaître le rôle fonctionnel des groupes d'espèces, rendant ainsi intelligible le fonctionnement et la dynamique de la communauté d'espèces. Il apporte des informations sur les processus intervenant dans la réponse des groupes fonctionnels suite à l'enrichissement en nutriments.

Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives quant à la réhabilitation par modification de la structure des réseaux trophiques (biomanipulation) des eaux eutrophes, c'est-à-dire saturées en nutriments. Les actions tentées jusqu'à présent se basaient globalement sur les prédictions du modèle de chaîne trophique linéaire. Par exemple, l'ajout de poissons piscivores dans un milieu qui en est dépourvu était censé avoir pour conséquences d'augmenter le nombre de niveaux trophiques et, par effets en cascade le long de la chaîne trophique, de contrôler le développement excessif des algues planctoniques. Or, les résultats de ces biomanipulations sont mitigés, ce qui est bien compréhensible à la lumière du modèle de complexité intermédiaire. La manipulation du nombre de niveaux trophiques par ajout ou suppression de poissons ne suffit pas pour contrôler les effets néfastes de la pollution des eaux par excès de phosphates ou de nitrates. De nouvelles approches tenant compte de la diversité fonctionnelle devraient par la suite être explorées.

 

Le modèle de chaîne alimentaire classique prédit que l'augmentation des apports en nutriments bénéficie au niveau trophique le plus élevé et à ceux situés à un nombre de niveaux pairs en dessous de celui-ci. Par exemple, dans une chaîne linéaire à 3 niveaux, les carnivores accumulent les excédents d'énergie qui ont transité par les niveaux inférieurs. Les herbivores, contrôlés par les carnivores, ne bénéficient pas de l'enrichissement en nutriments. En revanche, les producteurs primaires, soulagés du contrôle par les herbivores, car eux-mêmes limités par les carnivores, profitent de l'augmentation de leurs ressources.
Le modèle réseau de complexité intermédiaire rompt avec ce schéma en considérant trois groupes de producteurs primaires : les algues planctoniques très comestibles, les algues planctoniques peu comestibles et le périphyton, non consommé par les espèces pélagiques mais autorégulé. Le second niveau trophique est divisé en petits et grands herbivores consommant respectivement les algues très comestibles ou les deux types d'algues. Le troisième niveau trophique est représenté par les carnivores invertébrés se nourrissant de petits herbivores et, s'ils sont présents, les poissons zooplanctonophages consommant les deux types d'herbivores et les carnivores invertébrés. Les prédictions sur les effets sur chaque groupe trophique de l'enrichissement en nutriments du milieu deviennent plus complexes et correspondent mieux à la réalité expérimentale où chaque niveau trophique ne réagit pas uniformément.

* Florence Hulot, Gérard Lacroix, Françoise Lescher-Moutoué et Michel Loreau, laboratoire Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques, CNRS-Université Paris VI-Ecole normale supérieure)

Référence
Hulot, F. D., Lacroix, G., Lescher-Moutoué, F. et Loreau M. (2000). Functional diversity governs ecosystem response to nutrient enrichment. Nature, 18 mai 2000.


Contact chercheur :
Michel Loreau - Tél : 01 44 32 37 09 ou 01 44 32 36 96 - Fax : 01 44 32 38 85
Gérard Lacroix - Tél : 01 44 32 36 99 - Fax : 01 44 32 38 85
Laboratoire "Fonctionnement et évolution des systèmes écologiques"
CNRS - Université Paris VI - Ecole Normale Supérieure - Paris

Contact département des sciences de la vie :
Thierry Pilorge - Tél : 01 44 96 40 26 - Fax : 01 44 96 49 19

Contact presse :

Martine Hasler - Tél 01 44 96 46 35 - Fax : 01 44 96 49 93

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