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L'oeil de l'exil

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Nouvelles

Huit nouvelles écrites entre 1965 et 2001...
Les premières sous l'influence de Baudelaire, Flaubert, Sartre...


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Extraits
  • L'allumette (1965)

    "Ne crois pas que j'écrive pour mon plaisir. Je ne suis pas de ceux qui entassent gratuitement les mots et se gargarisent de leurs échafaudages. Je hais le jongleur à la balle trop légère. Le fait est là, il faut parler."
    .../...
    "Puisses-tu devenir semblable à l'allumette torturée sous le feu !"



  • La croix blanche (1967)

    Nouvelle écrite par un adolescent au sortir de l'hôpital où son oncle, qui avait autrefois patrouillé sur le Fleuve Bleu (en Chine) pour préserver l'ordre et la sécurité contre les "pirates" dans les années 1929-1930, gisait peut-être dans le repentir qui précède la mort.

    .../
    "Mais Alexis ne savait même pas si le moribond écoutait. Il a répondu : "Oui, oui !" d'un air las, avec un petit sourire malheureux. Il était tourné de coté vers le mur. Il n'a pas bougé - son bras poilu en avant, inerte, de la chair morte déjà qu'on empoignait en signe d'adieu. Alexis s'est avancé le dernier. Un contact parcheminé, presque froid, et pourtant fraternel. Il a peut-être laissé glisser la main en caresse sur cette peau vaincue, en s'éloignant."



  • Le banc (écrite en 1967 à Nancy, sur un banc du Parc de la Pépinière)

    Déjà l'idée d'étrangeté, d'altérité.

    .../
    "Le silence était pénible, mais troublant, captivant. A. faisait coquettement preuve d'indolence, se prélassant, bâillant. Il aurait bien imité le tapotement du pied de son voisin. Il donnait, et sciemment, l'impression d'une parfaite indifférence. Les choses allaient comme elles doivent. Rien n'en troublait le cours. Tout s'imprégnait de conformité, d'uniformité. Le temps s'écoulait, paisible, irrémédiable, bulle par bulle, avec une constance métronomique...
    Rien n'était daté, et pourtant c'était indubitable, le temps mangeait la vie, avec mesure et application. La peau tannée de l'Arabe s'immobilisait elle aussi. Elle ne respirait pas, morte qu'elle était, comme une écorce, et peu attirante."



  • Edward (septembre 1967)

    Par un transfert onirique, la vaste demeure d'un ami de Nancy se transporte à Londres, le temps d'un séjour d'été.

    A début de A. était le silence. Un immense blanc qui le recouvrait comme une plume et sous la gaze duquel il dodelinait de la tête en béant, en souriant presque, si l'on veut, mais d'un sourire mitigé, crispé. Un sacré encombrement, cette grosse boule végétative. Elle avait acquis droit de cité dans l'espace...

    .../ Son ami habitait au premier étage d'une austère et confortable maison bourgeoise. Ses appartements avaient une entrée indépendante, sur un côté, distincte de l'entrée principale réservée aux activités professionnelles de son père. A. s'effrayait toujours un peu à l'idée de devoir pénétrer cette imposante et revêche demeure...
    Il attendit, pénétré du calme de cette maison, étonné du moelleux des tapis, gagné par un intense sentiment de sécurité. Edward venait à lui sans bruit, descendant du second étage comme d'un ciel...



  • L'enfant du vrai savoir (janvier 1982)

    Première apparition d'un fantôme japonais.

    Tu l'as croisée sur l'avenue de Wagram, glissant menue comme une ombre, sur le pavé, et sans qu'un seul regard fût échangé, tu as su que c'était elle, l'Enfant du vrai savoir, au bout de la fortune.
    L'air crâne, elle s'est plantée face à l'hôtel, droite comme un pin, une tendre brume humide flottant autour de sa silhouette, de nuit. ...

    Bribes des paroles de l'Enfant au vrai savoir :

    Je suis amoureuse d'une tasse bleue, derrière une vitre du Palais Royal, vue par un matin de neige.
    Le gris du ciel de Paris a mille nuances.
    Le Sacré Coeur est un mirage.
    L'odeur du bois me manque.
    La femme japonaise, jalouse comme le serpent, de colère, serre jusqu'à le briser un oeuf dans chaque main...




  • Le fin sourire d'un silence (publiée chez Autrement, n°153, "Le plaisir des mots" 1995)

    Kaléidoscope de visages féminins, bavards ou silencieux.

    .../
    Elle avait déjà cette façon concentrée de vibrer du dedans, qui vous sollicitait, vous arrachant de l'énergie, sans qu'elle eût besoin pour cela de faire un geste, de prononcer un seul mot. Son silence me déconcertait, m'agaçait, m'irritait enfin, comme s'irrite à la longue toute personne avenante et diserte, en face d'une autre qui s'est bien promis de ne desserrer d'aucune façon les dents. Dans leur grand zèle, les rédacteurs de nos Droits en ont peut-être oublié un seul, minuscule à vrai dire : celui de se taire ; le droit de rester là tranquillement sans parler ; le droit à la timidité et à l'effacement ; la simple liberté de s'abstraire du présent pour fuir les beaux parleurs dans une galaxie différente, difficile d'accès et pourtant toute proche, à la portée de quiconque : la passerelle bénie de la réserve...



  • La fée du bout du fil (1998)

    Apparition d'un fantôme non japonais.

    Il m'est arrivé un drôle de chose, hier soir... Rien d'homérique, mais un évènement si étrange quand même, que j'hésite à le coucher sur le papier, à côté des menues aventures qui émaillent mes journées.
    Je ne crois pourtant pas avoir perdu le sens -du moins pas encore. C'est un fait, j'ai trop d'imagination, un trop-plein qui ne trouve pas son emploi au guichet de la mairie où je passe le plus clair de mon temps, la mairie des Lilas... .../



  • Le baiser des morts (avril 2001)

    Deuxième apparition d'un fantôme japonais.

    .../ Ce soir-là, vers huit heure, j'avais été attiré de très loin par le bourdonnement des tambours. C'était très exactement le samedi 31 juillet 1999 -je l'ai noté. Une frénésie était dans l'air. "O-bon" s'approchait, la fête des morts japonaise où, en plein mois d'août, les défunts reviennent visiter les vivants, au moment des plus grosses chaleurs. On allume un feu pour les accueillir, un autre pour les faire repartir quelques jours plus tard, le plus vite qu'il se peut...

    .../ L'ombre qui m'avait intrigué, je la discernais nettement à présent, à la lumière d'un lampadaire ordinaire, depuis l'autre berge où je me trouvais : c'était, ô divine surprise, une femme encore jeune, mais mûre et ravissante, probablement arrivée à cet âge de trente-quatre ou trente-six ans, considéré par les prêtres shintoïstes comme si dangereux pour les femmes qu'elles s'empressent alors d'acheter des talismans contre le mauvais sort. Elle était vêtue tout en noir. Elle était belle et sévère, atrocement belle, de cette beauté concentrée, particulière à certaines japonaises, qui produit un effet d'érotisme violent et paradoxal parce qu'interdit, comme spiritualisé.
    Sortie précipitamment du parloir funéraire, figée sur le petit pont, elle grillait nerveusement une cigarette le long du mur...


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